Déjà à la tête de neuf autres villages en Europe, l’anglais Value Retail ouvrira en mars prochain son premier village de marques en Chine. Situé à Suzhou, à 80 km à l’ouest de Shanghai, il s’étendra à terme sur environ 60.000 m². Suzhou Village devrait suivre le modèle original de Bicester Village, qui a fait ses preuves à 100 km de Londres et attire chaque année un grand nombre de clients chinois.
« Nous allons transposer le modèle européen sur le marché chinois, en nous concentrant sur le haut de gamme et le luxe, a déclaré lors d’une interview exclusive Scott D.Malkin, le président fondateur de ce groupe de centres de magasins d’usine basé à Londres. Nous prévoyons de nous étendre dans des lieux comme les environs de Shanghai, Pékin, Hong Kong etc. » Ceci inclut le projet Suzhou Village, dont l’achèvement total est prévu pour l’été 2013. Auparavant, au cours de la première année d’exploitation, il occupera 25.000 m² avec une offre de 125 marques.
Ouvert en juillet dernier, Florentia Village peut être considéré comme un village de marques d’exception. Situé à peine à 17 mn en train de Pékin, également proche de Tianjin, il est développé par la joint-venture formée par l’italien Fingen et l’américain Waitex. Son architecture est une copie des villes italiennes du 16e siècle, pour servir de cadre à 40 marques de créateurs haut de gamme telles que Prada, Giorgio Armani, Versace, Salvatore Ferragamo, Fendi, Bulgari, avec des réductions pouvant atteindre 40 à 70 %. Les développeurs espèrent à terme proposer 100 marques.
La particularité du marché chinois
A Suzhou Village, les prix seront inférieurs de 55 % aux prix du marché. Prada, Michael Kors, Coach, Staff International, Ralph Lauren, Sergio Rossi, Belstaff, Missoni, Ugg, Pink, Yves Saint Laurent, Tod’s, Burberry, Armani, Roberto Cavalli… : les marques visées sont européennes. Scott D.Malkin a déjà commencé à discuter avec quelques unes d’entre elles. « Nos marques locataires en Europe expriment leur volonté de faire leur entrée sur le marché chinois, ce qui nous offre des opportunités », explique-t-il.
« Le plus grand challenge qui se présente au marché chinois, c’est l’authenticité des produits, poursuit Scott D.Malkin. Le marché chinois est inondé de contrefaçons, et pour les clients, c’est même une banalité. Mais nous nous engageons à ne vendre que des produits authentiques, nous ne sommes pas des magasins de discount d’articles bas de gamme. »
« L’image de marque est extrêmement importante, les marques ne veulent pas non plus que leurs produits soient remis en question. Nous allons apporter une garantie de qualité sur le marché chinois », insiste-t-il.
Les résultats d’une étude de marché globale permettent d’être optimiste pour les ventes en village de marque. Le champ d’investigation incluait l’année dernière Saks Fifth Avenue, Neiman Marcus et Bloomingdale (grands magasins américains haut de gamme), et elle montrait que les ventes de produits en soldes continuent d’y progresser. Récemment, eBay a aussi ouvert un site dédié aux articles dégriffés. En Chine, selon une étude de la société China Market Research, les cols blancs à la recherche de marques qui vont dans des villages de marques forment un groupe en très forte croissance, constitué généralement de jeunes femmes d’une vingtaine d’années, dont les revenus mensuels ne dépassent pas 400 à 500 US$.
Du point de vue géographique, la région s’étendant de Shanghai à Suzhou présente les conditions les plus adéquates à l’ouverture d’un centre de magasins d’usine haut de gamme, tant en termes de population que de croissance économique. Cette région a la densité de population la plus élevée de Chine, et son activité économique est la plus dynamique. Entre 2005 et 2010, le taux de croissance annuel de Suzhou était en moyenne de 18%, ce qui place la ville en quatrième position après Pékin, Shanghai et Canton. De plus, les paysages des jardins traditionnels de Suzhou attirent chaque année un grand nombre de touristes locaux et étrangers. Selon les chiffres du secteur, Suzhou présente donc une grande marge de développement pour ce type de village de marques.
L’aspiration commune des marques de luxe
« Les centres de magasins haut de gamme en Chine poussent peut-être actuellement comme des champignons, mais en réalité les centres de déstockage à prix réduits sont très peu nombreux », affirme Christopher Ainsley, directeur général d’une société internationale d’études de marché.
Analyste des marchés de détail au sein de la filiale pékinoise de CITIC Securities, Hu Weibo indique de son côté que la Chine compte actuellement 200 centres d’achats se présentant comme du déstockage. En réalité, selon lui, concernant les articles vendus et les prix pratiqués, seulement 10 % d’entre eux arrivent au niveau des standards internationaux.
Bien que Value Retail ait à son actif des expériences réussies dans le monde entier, Scott D.Malkin a choisi le partenariat pour faire son entrée en Chine. Société immobilière d’envergure internationale, ce partenaire chinois va principalement aider Value Retail à appréhender et à prévenir toutes sortes de problèmes que peut rencontrer un investisseur étranger faisant son entrée dans le marché de l’immobilier et de la vente au détail en Chine. Mais Scott D.Malkin a refusé de divulguer le nom de ce partenaire chinois.
Parallèlement, Value Retail a signé un contrat de cinq ans avec le cabinet de conseil en stratégie Marvin Traub Associates. C’est Traub qui lui a conseillé de hausser la qualité des assortiments des articles et de se concentrer principalement sur les produits de luxe, de mode et internationaux, ce qui n’a pas été une option difficile pour Scott D.Malkin.
« Les marques considéreront Value Retail comme un partenaire commercial et non comme un propriétaire, souligne Traub, elles paieront un pourcentage des ventes, et non un loyer fixe ».
De plus, poursuit Traub, Value Retail pourra aider les marques implantées à maximiser leurs profits, « à maitriser les flux de clientèle et à renforcer leurs relations avec le marché des factory outlets ». L’image de marque des villages de Value Retail, c’est un style architectural particulier, connu pour ses rues dégagées formant un environnement favorable à l’acte d’achat. « Les grands hypermarchés remplis de produits bradés ne sont pas ce que nous voulions créer. Ce genre de villages discount auto-proclamés est courant sur le marché chinois, mais la clientèle aspire à expérimenter les marques de mode haut de gamme et internationales, et c’est précisément ce que nous voulons faire », souligne-t-il.
Scott D.Malkin ajoute que s’il s’est implanté sur le marché chinois, c’est non seulement parce qu’il pensait que cela allait dans le sens de la volonté des marques, mais aussi car les nouveaux projets dans les principales villes d’Europe ont tendance à décliner. Au total, Value Retail compte neuf centres de magasins d’usine en Europe, incluant La Vallée Village, près de Paris, et l’italien Fidenza Village, dans les environs de Parme.
« Nos villages enregistrent actuellement des croissances gratifiantes », affirme Scott D.Malkin. Value Retail s’attend cette année à des ventes en magasins de 2,18 milliards de US$, contre 1,82 milliards en 2010. L’année dernière le rendement moyen dans les centres a été de 1.250 US$ par pied carré [0,09 m²], alors que celui du projet pionnier de Bicester Village, ouvert en 1995, a atteint 2.240 US$ par pied carré, au top de la liste. Ces résultats sont bien meilleurs que ceux des autres villages outlets de la planète, à l’exception de Bal Harbour, à Miami, qui prévoit d’enregistrer en 2011 un rendement au pied carré de 2.306 US$.
Scott D.Malkin est très confiant pour le projet de Suzhou. « A Bicester Village, 75% des clients sont des touristes, dont un tiers vient de Chine, indique-t-il. Donc c’est exactement le moment d’attaquer le marché chinois. » Et le marché des villages de marques chinois n’en est encore qu’à ses débuts, ajoute Malkin, la situation actuelle sur les marchés européen et américain ayant tendance à accélérer leur développement en Chine. « Dans les trois à cinq prochaines années, nous allons mener à bien cinq projets », annonce-t-il.
« Nous avons déjà maintenu depuis 15 ans une croissance à deux chiffres, c’est la priorité de nos détaillants, dit-il, en niant toute exagération. Le plus grand challenge ne réside pas dans la construction des villages elle-même, mais dans la mise en route de magasins et la croissance future. »