La Chine et le luxe, une fierté nationale?

 Source : Blog de 张鸣 Zhāng Míng, le 18 juin 2011

 Les Chinois sont dingues de produits de luxe. Selon l’association mondiale des produits de luxe, la Chine a été l’année dernière à l’origine d’un quart de la consommation mondiale de produits de luxe, et en 2012, la Chine devrait dépasser le Japon, et devenir le premier pays consommateur de produits de luxe. En fait, d’après moi, si on considère la vraie capacité d’achat de produits de luxe de mes compatriotes, la Chine est déjà numéro un mondial.

Il existe en effet des endroits où les Chinois dépensent énormément en articles de luxe : Hong Kong et Taïwan. Le shopping est même un but de voyage vers ces destinations, car les produits de luxe y sont beaucoup moins chers qu’à l’intérieur du pays.

Ainsi, la richesse de la Chine serait maintenant comparable à celle du Japon, de l’Europe et du Moyen Orient, les Chinois pourraient se couvrir d’or et de diamants, boire du Château Lafite à grandes goulées, faire leur liste de mariage chez Louis Vuitton, s’étaler sans complexe sur le visage des cosmétiques de marque ? Difficile à dire. Une seule petite partie le peut sans aucun doute. Mais la grande majorité achète ces produits de luxe pour en faire des cadeaux.

En effet, s’ils sortent du pays, font des folies en produits de luxe – la plupart de marques prestigieuses -, c’est pour les donner à tel ou tel officiel ou chef de bureau local. On peut vraiment affirmer qu’en Chine, le marché des produits de luxe est intimement corrélé à celui des cadeaux. Sans demande de cadeaux, la consommation de produits de luxe stagne.

Nous sommes un pays attaché à l’étiquette, les cadeaux font partie du paysage. S’échanger des cadeaux, c’est la base des relations humaines ; offrir un cadeau, c’est chercher à s’attirer les bonnes grâces de quelqu’un. De tous temps, ces deux aspects ont été très présents. Si l’on veut promouvoir la consommation de produits de luxe, c’est souvent par ces biais-là.

Les articles luxueux des temps anciens étaient des deux sortes : chinois ou importés. De Chine, c’était des perles et du jade, des bijoux en or et en argent, des peintures chinoises antiques, ainsi que du ginseng, des nids d’oiseaux comestibles, des manteaux de vison etc… Les produits importés, c’était des objets non fabriqués localement : depuis la dynastie des Ming, les plus courants étaient les belles pendules, les tables de jeu, les bouteilles à priser, les manteaux de velours d’or à l’image de celui porté par Jia Baoyu, le héros du Rêve dans le pavillon rouge [un grand classique chinois] etc…

En ces temps là, les importations était en réalité limitées, et les produits de luxe en composaient la plus grande partie. Destinés à satisfaire la demande de l’empereur, ils étaient aussi achetés par des hauts fonctionnaires qui s’offraient des cadeaux entre eux.

C’est la même chose aujourd’hui, dès qu’un officiel a le moindre pouvoir ou la plus petite influence, il aime ce type d’article. Offrir un manteau de laine occidental en jette plus qu’une robe chinoise en zibeline. Régulièrement, pour montrer son respect à son supérieur, en toutes saisons, pour l’anniversaire de son supérieur ou de sa femme, les cadeaux sont incontournables.[…]

Certains hauts fonctionnaires sont avides, ils sont rarement satisfaits de ce qu’ils reçoivent chaque jour et ne cessent d’exiger des cadeaux. Leur manière de demander, c’est de sermonner. A la fin de la dynastie des Ming, il y avait ce fameux haut fonctionnaire qui expliquait que sermonner est utile : un petit sermon apporte du ginseng ou une peau de vison, un grand sermon apporte des diamants et une horloge rutilante. Il faut juste trouver une opportunité, un sermon est toujours efficace.

Ce genre de consommation de produits de luxe n’a en fait pas grand-chose à voir avec la situation économique du pays. A cette époque la Chine était très pauvre, mais cela n’avait pas d’impact sur les horloges ostentatoires importées d’Occident pour montrer son respect à quelques hauts fonctionnaires. Aujourd’hui la Chine s’est paraît-il enrichie, mais comme avant il y a des enfants dans les montagnes qui n’ont rien à manger pour leur déjeuner.

Cette coutume de donner des cadeaux occasionne vraiment des dépenses superflues. Et pourtant, ceux qui reçoivent des produits de luxe occidentaux ne se satisfont pas d’un seul, plus on leur en donne mieux c’est, et encore plus. Il existe même de nombreuses boutiques spécialisées dans ce genre de dons.

En Chine, quelle ville n’a pas ce genre de boutique ? Comme il y a des siècles, donner des cadeaux, c’est faire preuve de respect à ses supérieurs au quotidien, ou bien c’est dans l’optique d’obtenir une faveur en échange.

Les gens de pouvoir et les gens qui ont un quelconque lien avec le pouvoir peuvent tous profiter de « cadeaux » reçus. Si l’on parle de cadeaux échangés, il s’agit d’entretenir des relations, et dans le cas d’un cadeau sans réciproque, l’objectif est de conclure une transaction en termes de pouvoir ou d’argent.[…]

La Chine va donc devenir le premier pays consommateur de produits de luxe : cette nouvelle va réjouir les groupes de luxe, mais ce n’est pas vraiment fantastique pour le pays ni pour le peuple.
En arrière-plan de cette première place, on observe une augmentation de la corruption, une dépréciation des valeurs morales, un creusement du fossé entre les riches et les pauvres, l’exacerbation des différends entre les officiels et le peuple, une obsession du pays pour les choses matérielles. La Chine n’a pas encore atteint ce niveau, mais si elle y arrive, à atteindre cette première place, rien ne transparaitra alors de cette supposée splendeur.
Il y a des premières places mondiales que nous méritons de convoiter : en créativité, en prix Nobel, en qualité manufacturière etc… Si nous arrivons à atteindre l’un de ces leaderships, alors nous pourrons laisser facilement à d’autres celui de premier consommateur de produits de luxe. Mais si nous ne parvenons à rien d’autre qu’à ce classement, qui comporte en filigrane beaucoup de caractéristiques peu reluisantes, alors on pourra dire que nous avons perdu la face.

奢侈品市场与送礼市场
2011-06-18 12:18:00| 分类: 默认分类

 

中国人对奢侈品的追求,势头凶猛。世界奢侈品协会发布报告称,中国内地去年消费总额占全球四分之一,预计2012年,中国将超过日本,成为世界奢侈品消费 第一大国。其实,照我看来,如果按国人真实的奢侈品购买量而言,中国现在就已经是世界第一了。因为有大量的中国人的奢侈品消费,是在国外,在香港和台湾, 很多国人出境旅游的目的,就是为了买奢侈品,因为比内地便宜多了。


中国人真的富到可以跟日本、欧美和中东人媲美,可以披钻戴金,大口喝拉菲,出门被LV,放肆地往脸上涂名牌化妆品了吗?不好说。少部分人肯定可以,但购买 这些奢侈品的人,多数其实不是这样,他们买这些东西,主要是为了送礼。好些人出国,狂购奢侈品,多数物件都标好了,这是给某处长的,这是给某局长的。可以 非常决断地说,在中国,奢侈品市场,跟送礼市场是密切相关的。没有送礼的需求,奢侈品的消费绝不可能成长如此迅速。

我们是礼仪之邦,这厢有礼,是一个常态现象。互相送礼是基于人情往来,单向送礼,就是讨好巴结。从古至今,这两方面都很发达。真正促进奢侈品消费的,往往 是后者。古来的奢侈品,一向就有自产和进口的两种。自产的有珠玉,金银首饰,有古玩字画,以及人参,燕窝,貂皮等等。而进口的,有各种中土不产的玩意,明 清以来,主要是自鸣钟,打簧表、鼻烟壶,以及红楼梦里贾宝玉穿的金丝绒的大氅之类。当年外贸进口量实在有限,进口货,主要就是这些奢侈品。除了满足皇家的 需求之外,就是供给官员们之间送礼之用。跟今天类似,但凡有点权势的官员,还就是喜欢这一口洋荤。送上一件西洋的毛呢大氅,比紫貂袍褂还要有面子。定期孝 敬上司,夏天冰敬,冬天炭敬,上 司和太太的生日,三节六供,都免不了要送礼。

[如果有事相求,那礼就大了去了。高官们不仅对于黄白之物有特别的爱好,也喜欢积攒奢侈品。跟现在的官员,动辄几百上千的LV包,成百上千瓶的XO一样, 一旦事败抄家,物品清单也是一大串的土洋奢侈品。如果不信,看看和珅的抄家单就明白了,这个单子,已经被好事者复制到了网上,查阅很方便的.]

有那特别贪婪的高官,已经不满足这日常的孝敬了,他们要催礼。催的方式,就是骂。晚清有位著名的高官言道,骂是有用的,小骂则人参貂皮来也,大骂则钻石、钟表来也。只要能找到茬口,一骂就灵。

这样的奢侈品消费,其实跟国家的贫富关系不大。当年的中国非常穷,但是,并不耽误人们从西洋进口自鸣钟、打簧表孝敬高官。现在中国据说已经富了,但依然有 山区的孩子连午饭都没有的吃。这样的送礼,都是锦上添花,但凡能接受人们西洋奢侈品的礼物的人,肯定不会只收一件,而是多多益善,而且真的多多,多到要送 到专门的店里卖。只要是在中国,哪个城镇没有这样的店呢?跟古代一样,送礼,一方面是日常孝敬,一方面是有事相求。有权者和跟权力沾边的人,即有权者亲近 的人,都可以享受“礼”遇。如果说,相互送礼,礼里面是人情,而单向送礼,礼的里面,则是权钱交易。

[日常的人情往来,其实很少需要特别的奢侈品市场,只有特别的送礼需求,才催生送礼经济,催生奢侈品消费的直线增长.]

不消说,中国变成世界奢侈品消费第一大国的信息,对于世界奢侈品生产厂家是个利好的消息,但对于中国的国家和民众却很不美妙。这样的第一,背后有腐败的增 长,有道德的堕落,有贫富的差距增大,有官民矛盾的激化,有一切让中国变得令人担忧的东西。漫说中国还没有富到争这个第一的程度,就是到了,似乎拿下这个 第一,也未见得光彩。有好多的世界第一值得我们去争,创造力第一,诺贝尔奖获得量第一,制造业产品质量第一等等,如果这样的第一多一点,顺便拿个奢侈品消 费第一也就罢了。有光彩的第一都拿不到,仅仅拿了这个第一,而且后面还有那么多见不得人的猫腻,没有别的,两个字:丢人。

张鸣