La shengnu ‘femme qui reste’ stigmatisée

Shengnu Chine

 Source : essai de Leta Hong Fincher publié dans Dissent Magazine,  printemps 2013

 

A première vue, Wu Mei (son nom a été modifié) est l’archétype de la Chinoise à la réussite spectaculaire. A seulement 31 ans, elle gagne environ un million de yuans (autour de 150.000 US$) par an en tant qu’avocate à Pékin, un salaire qui la classe dans le top 1 % des salariés aux plus hauts revenus de Chine. Belle et élancée, elle pourrait parfaitement jouer les mannequins en couverture d’un magazine annonçant les « Chinoises les plus riches ». Pourtant, quand elle s’exprime, une image plus sombre apparait. Wu vient d’obtenir le divorce de son mari violent à l’issue de cinq ans de mariage, mais seulement en lui laissant son logement, toutes ses économies, et à peu près tout ce qu’elle possédait.
« Chaque jour quand je rentrais du travail, je pleurais dans ma voiture. Tout ce que je voulais, c’était fuir », dit Wu, ses yeux se remplissant de larmes au souvenir de son mariage violent. Sa situation reflète un paradoxe fréquent chez les jeunes femmes diplômées dans la nouvelle Chine.
Malgré toutes ses défaillances, l’ère Mao (1949-1976) fut une période où dépasser les formes traditionnelles des inégalités hommes-femmes était proclamé comme un objectif révolutionnaire important. Or aujourd’hui, des signes évoquent une érosion des avancées du passé. Une combinaison de facteurs ayant émergé ces dernières années – envolée des prix des logements, résurgence des normes traditionnelles de genre, campagne des médias d’Etat enjoignant les jeunes femmes diplômées à se marier, reculs législatifs – ont contribué à la régression du statut et du bien-être matériel des femmes chinoises comparativement aux hommes.

Wu Mei a divorcé à peu près au moment où la Cour suprême populaire de Chine émettait une interprétation totalement nouvelle de la Loi sur le mariage en vigueur dans le pays, faisant marche arrière par rapport à cette pierre angulaire de la révolution communiste. La loi sur le mariage de 1950 accordait aux femmes des droits à la propriété (entre autres droits) et au fil des années, des révisions ultérieures de la loi avaient renforcé la notion de communauté de biens dans le cadre du mariage. Or, le dernier amendement de la Loi sur le mariage à l’initiative du gouvernement chinois en 2011 précise que, à moins d’une contestation par la voie judiciaire, les biens matrimoniaux appartiennent essentiellement à la personne qui possède le domicile conjugal et dont le nom figure sur l’acte de propriété.
Et en Chine aujourd’hui, cette personne est généralement un homme.
Une enquête réalisée en 2012 par Horizon Research et ifeng.com auprès de milliers d’acheteurs d’immobilier à Pékin, Shanghai, Canton et Shenzhen a révélé que plus de 80 % des domiciles conjugaux sont détenus ou co-détenus par des hommes, alors que seulement 30 % des actes notariés de domiciles conjugaux incluent le nom de l’épouse. Ces chiffres illustrent d’ores et déjà la disparité alarmante dans l’accès à la propriété existant entre les hommes les femmes, mais mes propres recherches suggèrent que l’inégalité est encore plus extrême lorsque l’on considère le nombre de domiciles détenus uniquementpar des hommes.
Les défenseurs soutiennent que cette nouvelle interprétation de la loi sur le mariage est « neutre sur le plan du genre. » Toutefois, les organisations non gouvernementales (ONG) féministes locales dénoncent cette loi comme une nette régression du droit des femmes à la propriété. Li Ying, présidente du Centre du Développement du Genre Yuanzhong à Pékin, écrit que cette interprétation émise par la Cour « est une violation du principe de base de la Loi sur le mariage qui est la communauté de biens matrimoniaux. »

Ecartées de l’accumulation de richesse immobilière

De nombreuses années peuvent passer avant que l’on commence à réaliser l’ampleur de ce revirement stupéfiant concernant les droits des femmes à la propriété en Chine. Même celles figurant parmi les plus privilégiées et couronnées de succès, comme Wu Mei, sont atteintes par le changement. Les remarquables résultats universitaires de Wu lui ont garanti son admission dans une faculté de droit prestigieuse à l’étranger. Peu de temps après l’obtention de son diplôme et son retour à Pékin à l’âge de 25 ans, elle s’est mariée avec une connaissance estimée « convenable » par sa famille. « La plupart de mes amis à Pékin s’étaient déjà mariés et c’était vraiment ce que je devais faire », se souvient-elle. L’aimait-elle? Wu hausse les épaules et lâche : « je n’ai pas trouvé mieux sur le moment. »
Bien que Wu et ses parents aient investi des centaines de milliers de yuans dans son domicile conjugal évalué à l’époque à 1 million de yuans, sur l’acte de propriété ne figurait que le nom du mari, comme le veut l’usage. En tant qu’avocate parfaitement au courant des faiblesses du système judiciaire chinois, Wu était consciente qu’une procédure de divorce avec un adversaire inflexible serait longue et traumatisante, sans aucune garantie de succès. Plutôt que de passer par les tribunaux, elle a décidé d’abréger ses souffrances, de laisser ses biens à son mari et de lui verser 100.000 yuans supplémentaires en liquide en échange de son accord pour le divorce. Au moment du divorce en 2011, le domicile conjugal – qui appartient maintenant entièrement à son ex-mari – avait plus que triplé de valeur, à plus de 3 millions de yuans. Aujourd’hui, Wu refuse de se remarier avant de s’être acheté son propre logement. « Si j’avais eu un domicile à mon nom quand j’étais mariée, il ne m’aurait jamais menacée de cette façon », insiste-t-elle.
A l’instar de Wu, beaucoup de Chinoises ont été écartées de ce qui est probablement la plus grande accumulation de richesse immobilière de l’histoire, évaluée à plus de 17.000 milliards de US$ par la banque HSBC. Pour noircir encore le tableau, les études ont mis en évidence que lorsque des femmes battues ne bénéficient pas de droits à la propriétégarantis, elles risquent davantage de rester piégées dans des relations violentes. Wu, avec ses hauts revenus, a pu s’acheter son évasion. D’autres femmes maltraitées n’ont pas cette chance. Le gouvernement ne cesse de retarder la mise en place d’une législation ciblée en vue de refréner la violence domestique, en dépit d’années de lobbying de la part des ONG féministes. En la matière, la Chine est à la traîne par rapport à d’autres pays en développement ayant de graves problèmes avec les violences faites aux femmes, comme l’Inde et le Bangladesh, qui ont voté une loi anti-violence domestique en 2010.
Selon les statistiques officielles, un quart des Chinoises ont été victimes de violences domestiques (les activistes estiment que les chiffres réels sont bien plus élevés). Et pourtant, il est excessivement difficile pour une femme d’assurer sa protection contre un partenaire violent. « Les juges ne définissent pratiquement jamais un cas de ‘violence domestique’ car la législation chinoise actuelle n’est pas spécifique ou suffisamment claire », affirme Feng Yuan, une militante très active au sein du Réseau Anti-Violence Domestique à Pékin. « En conséquence, au lieu de traiter un cas de violence domestique, les tribunaux parlent systématiquement de ‘conflit familial’. »  

Célibataire : la « femme qui reste »

On pourrait s’attendre à ce que l’agence officielle préposée aux droits des femmes, la  Fédération de toutes les femmes de Chine, prenne position contre cette attaque des droits légaux d’accès des femmes à la propriété. Le Parti Communiste a créé cette fédération des femmes pour « protéger les droits et les intérêts des femmes. » L’émancipation des femmes était un objectif majeur tant pour la Révolution communiste, qui a abouti à la fondation de la République populaire de Chine en 1949, que, des décennies auparavant, pour la Révolution républicaine qui a renversé la dernière dynastie du pays, les Qing (1644 – 1911). Or non seulement la Fédération des femmes ne réagit pas vis-à-vis de ce changement de la Loi sur le mariage en Chine, mais elle a en plus un rôle de premier plan dans l’élaboration d’une campagne pressant les femmes urbaines et actives proches de la trentaine à mettre un terme à leurs ambitions professionnelles et à se marier. (La particularité d’une Fédération des femmes qui contribue à renforcer la suprématie masculine ne trouve d’équivalent que dans la manière dont la Fédération officielle du travail du pays sert souvent davantage à contrôler les ouvriers qu’à leur donner du pouvoir.)   

En 2007, la Fédération des femmes a défini le terme « la femme qui reste » (sheng nü) pour désigner les femmes célibataires ayant dépassé l’âge de 27 ans, et les médias d’Etat ont commencé àdiffuser des reportages sur une « crise » concernant le nombre croissant de femmes diplômées qui ne trouvent pas de mari. Le mot chinois « sheng » fait principalement référence à des restes de nourriture ou à des aliments avariés, dont on doit se débarrasser. Associé à la femme, ce terme ajoute une résonance émotionnelle à cette campagne médiatique. 

En 2010, une organisation affiliée à la Fédération des femmes, le Groupe d’études chinois sur le mariage et la famille, a collaboré avec le site de rencontres en ligne baihe.com pour réaliser une enquête d’envergure nationale en interrogeant plus de 30.000 personnes sur l’amour et le mariage. Largement remâché, le texte officiel de l’étude a pour titre, « A quelle catégorie de ‘reste’ appartenez-vous? » Il identifie la première catégorie comme des femmes célibataires âgées de 25 à 27 ans, qui sont appelées « restes combattants », sheng dou shi, un jeu de mot autour du titre d’un film populaire d’arts martiaux.  Ces célibataires, précise le texte, « ont encore le courage de se battre pour trouver un compagnon. »

La deuxième catégorie inclut les femmes de 28 à 30 ans, « celles qui doivent triompher », bi sheng ke, un jeu de mot inspiré du nom chinois de Pizza Hut. Selon l’étude, ces célibataires ont des occasions limitées de rencontre amoureuse car leurs carrières ne leur laissent « aucun moment pour la chasse. »

La troisième catégorie englobe les femmes de 31 à 35 ans, « Bouddha des combats victorieux », dou zhan sheng fo, un jeu de mot dérivé du nom d’une ancienne légende chinoise, le Roi des Singes, qui persévéra pour atteindre le statut de Bouddha. L’étude souligne que « ces ‘femmes qui restent’ de haut niveau se battent pour survivre dans un monde du travail cruel, mais sont toujours célibataires. »

La dernière catégorie, au-delà de 35 ans, est appelée les « Grands Sages Egaux avec le Ciel » ou qi tian da sheng, un autre jeu de mot autour du Roi des Singes. Cette catégorie de femmes « possède un appartement luxueux, sa propre voiture et une société, pourquoi donc est-elle devenue une ‘femme qui reste’? »

Matraquage médiatique

L’ironie de ces catégories créées pour dénigrer les femmes célibataires est que la politique chinoise de l’enfant unique, la préférence pour les fils, et la généralisation des avortements de fétus de filles ont entraîné un surplus d’hommes lié à un déséquilibre sévère du ratio hommes-femmes, que le Conseil d’Etat dénonce comme une « menace pour la stabilité sociale. »

Certains économistes avancent que la pénurie de femmes en Chine devrait leur donner l’avantage sur le marché du mariage. (Cet argument peut être recevable en milieu rural, où les parents peuvent exiger une dot élevée pour leur fille dans un village présentant un excédent significatif d’hommes. Toutefois, les études montrent que les femmes en milieu rural risquent davantage d’être violées lorsqu’elles sont en minorité.) Mais le patriarcat est profondément enraciné dans la société chinoise. Et les femmes urbaines et diplômées qui prennent l’initiative de rejeter ces normes discriminatoires sont bombardées quotidiennement d’articles des médias sur le fait qu’elles feraient mieux d’arrêter de se concentrer sur leurs carrières si elles veulent avoir la moindre chance de trouver un mari.

Fin 2011, le ministre chinois des affaires civiles a lancé une enquête à encore plus grande échelle sur l’amour et le mariage – prenant en compte cette fois plus de 50.000 personnes. La présentation de l’étude sur le site de Xinhua a pour titre « Quand les ‘femmes qui restent’ choisissent leurs partenaires : pas d’argent, pas d’accord – posséder un logement est au premier rang des priorités. » Elle cite aussi les statistiques fréquemment régurgitées selon lesquelles « dans le choix d’un partenaire, 70 % des femmes déclarent que l’homme doit être propriétaire de son logement avant de se marier. »

Pourtant au cours des plus de 50 entretiens approfondis que j’ai menés jusqu’à présent avec des femmes et des hommes urbains diplômés, je n’ai trouvé aucun exemple de femme proche de la trentaine ou plus âgée refusant de se marier avec un homme sur le seul fondement qu’il ne possède pas de logement. (Une femme maltraitée par son petit ami m’a expliqué qu’elle utilisait le prétexte qu’il n’était pas propriétaire comme excuse pour éviter de se marier avec lui.) Au contraire, j’ai trouvé de multiples exemples de femmes proches de la trentaine – et parfois encore plus jeunes – qui ont tellement peur de devenir une « femme qui reste » qu’elles se précipitent dans le mariage avec la mauvaise personne, sans penser à protéger leurs intérêts économiques.

Ce n’est sûrement pas le fruit du hasard si toutes ces études gouvernementales sur les femmes « qui restent » et sur l’amour sont soutenues par les agences de rencontres. Ou alors, plus probablement, le secteur des agences de rencontres est en train de gagner des fortunes grâce à ces articles dans les médias d’Etat sur les hommes qui doivent acheter un logement pour trouver une femme et sur les femmes qui doivent se marier avant d’atteindre l’âge fatidique de 27 ans.

Pendant ce temps, l’idée qu’un homme doive posséder un logement pour apaiser une femme ou une future belle-mère (zhang muniang) joue un grand rôle dans la stimulation de la demande pour l’immobilier résidentiel.

Une étude datée de 2012 (effectuée par Horizon Research en collaboration avec ifeng.com) portant sur les acheteurs dans le marché de l’immobilier haut-de-gamme en Chine – à Pékin, Shanghai, Shenzhen et Canton – va dans le même sens. Victor Yuan, président de Horizon, affirme que beaucoup de jeunes hommes ont été convaincus par le matraquage médiatique assénant que la zhang muniang ne laissera pas sa fille se marier à moins que le petit ami n’achète un logement. « Mais cela ne se vérifie pas vraiment dans les chiffres », a affirmé Yuan lors d’un événement média ifeng.com en octobre dernier :

Dès que sa fille atteint 26 ans, elle entre dans une période de crise. Lorsque sa fille atteint 28 ans, ce sentiment évolue vers la peur et l’épouvante. Donc tout ce que vous [hommes] avez à faire, c’est de reculer le mariage jusqu’à ce que votre petite amie atteigne l’âge de 27 ou 28 ans, alors seulement votre zhang muniang n’y fera plus attention [au fait d’acheter un logement avant le mariage].

Après le succès éclatant de cette campagne dirigée contre les femmes « qui restent », la Commission chinoise sur la population nationale et le planning familial a rendu public les résultats de son enquête 2012-2013 sur l’amour et le mariage, proclamant cette fois-ci que « 70 % des femmes âgées de 18 à 25 ans sont très attirées par les hommes de dix ans leurs aînés. » (Curieusement, la dernière étude, soutenue par le site internet de rencontres en ligne jiayuan.com, a révisé ses chiffres à la baisse en affirmant que 52 % des femmes  déclarent qu’un homme doit être propriétaire d’un logement avant de se marier – peut-être un signe que même les médias d’Etat ne peuvent pas s’en tirer en diffusant année après année des contre-vérités flagrantes.)

Au moment d’écrire ces lignes, j’ai reçu des douzaines de messages sur mon compte Sina Weibo (la version chinoise de Twitter) se plaignant de la déformation des médias concernant « l’obsession de l’homme plus âgé« . Une internaute a écrit que son mari lui avait dit : ‘Cette enquête montre que la plupart des jeunes filles apprécient les hommes bien plus âgés qu’elles’ puis il s’est rapproché en l’examinant avant d’ajouter ‘Tu es trop vieille pour être ma partenaire’. Elle a inséré le symbole d’une personne en larmes et a ajouté que « la trop grande assurance d’hommes plus âgés ne peut que déboucher sur de la violence. »

Que peut-il être fait pour améliorer la situation des femmes en Chine ? N’attendez pas d’aide du gouvernement. Ce dernier peut professer des slogans prônant l’égalitéhomme-femme, mais en six décennies d’histoire chinoise communiste, aucune femme n’a jamais été nommée au Comité permanent du bureau politique au pouvoir – même pas du temps de Mao, quand les traditions patriarcales étaient davantage combattues et la Loi originale sur le mariage de 1950 prenait effet. Et alors que beaucoup d’autres pays en développement assistent à un progrès dans la représentation politique des femmes, la part des femmes dans le Comité Central du Parti communiste de Chine a régressé d’année en année – pour tomber à seulement 4,9 % lors du récent 18e Congrès du Parti.

Prises de conscience individuelles

Pour donner une idée de ce qui est exigé des femmes pour qu’elles progressent dans la politique chinoise, 21 maires et députées maires femmes ont reçu une « formation » récemment à Shanghai sur l’arrangement de fleurs, le maquillage, et « la création d’une apparence gracieuse », selon Danwei, un site internet basé à Pékin à l’affut des développements dans la culture et la politique.

Malgré le feu roulant des articles misogynes publiés par les médias d’Etat, les normes de genre sont en train d’évoluer dans les villes chinoises. Cela me fait chaud au coeur quand je rencontre des femmes actives qui ont réussi à acheter un logement à leur propre nom ou quand des parents aident leurs filles à faire un versement initial pour acheter un appartement en ville.

Et sur Sina Weibo, des Chinoises refusent individuellement le caractère sexiste du terme de la femme « qui reste ». Une jeune femme de 21 ans de Wuhan a posté ce message sur mon compte : « L’idéologie de la sheng nü [femme qui reste] est un viol des coeurs et des esprits des Chinoises ! La Chine est une société machiste jusqu’à la moelle, mais les hommes chinois ne sont sont toujours pas satisfaits. » Une autre posait la question « Les femmes ne peuvent donc pas avoir le droit de choisir leur style de vie ? Pourquoi une femme qui choisit d’être célibataire doit-elle être diabolisée par la société ? »
La prochaine fois que vous lirez un article optimiste sur une businesswoman chinoise qui serait devenue riche et puissante grâce au fait que la Chine valorise l’égalitéhomme-femme, considérez plutôt les choses de cette façon : des femmes ont réussi individuellement malgré le fait qu’elles vivent en Chine, et non pas en vertu de cela.
Imaginez que Wu Mei, l’avocate de Pékin, n’ait pas subi de pression intense pour se marier avec une personne qu’elle n’aimait pas, juste parce qu’elle avait atteint l’âge périlleux de 25  ans. Imaginez qu’elle ait refuséd’enregistrer son domicile uniquement sous le nom de son mari, juste parce que c’était l’usage. Aurait-elle eu à endurer des années de violences de la part de son mari ? Et si la loi chinoise garantissait ses droits aux biens matrimoniaux et lui offrait des recours en cas de violence domestique ? Dans une réalité alternative, la Fédération des femmes du parti communiste pourrait vraiment défendre les droits des femmes, plutôt que de stigmatiser les femmes célibataires diplômées qui veulent faire carrière.
Le stade peut-il être atteint où les constantes dévalorisations et violations des droits des femmes en Chine poussent ces dernières à créer un mouvement politique digne de ce nom ? Cela semble difficile à imaginer aujourd’hui. Mais en 1907, la révolutionnaire chinoise Qiu Jin écrivait que « l’égalité des droits pour les hommes et les femmes est un don de la nature, comment se fait-il que vous acceptiez de vivre dans un état de subordination ? » Quelques années plus tard, les hommes et les femmes chinois se battant pour davantage de libertés ont participé au renversement de l’empire des Qing. Si l’on se fie aux enseignements de l’histoire, les leaders chinois ignorent donc l’aggravation des inégalités entre les sexes à leurs risques et périls.
 
Leta Hong Fincher est une Américaine doctorante en sociologie à l’université de Tsinghua et une ancienne journaliste.
Cet essai est une propriété de Dissent Magazine – © Dissent Magazine 2012. All rights reserved.

 

 


Une traduction chinoise circule aussi sur Weibo :

中国女性权益危机重重

女树空间发表于13/04/08 20:15


表面上看来,吴梅(不是真名)代表了非常优秀成功的现代中国女性。年仅31岁,她在北京做律师的年薪已高达100万人民币(将近15万美金),这种工资水平在中国屈指可数。苗条又美丽的她,完全可以做杂志封面的模特,为诸如“中国最富有女人”的报刊杂志做代言人。然而,当她讲述自己亲身经历时,却是另一番场景。结婚五年后,吴最近刚和有家暴倾向的丈夫离婚,并为此赔上了房子,所有储蓄和几乎全部财产。


  “我每天都在上班回家的路上哭。我只想逃离。” 吴说,回忆起婚姻中的家暴时,她的眼里全是泪水。她的情况折射出新中国很多受教育女性的两难境地。
  无论有再多问题,毛泽东时代(1949 -1976)确实宣称过要把消除男女不平等作为重要的革命目标。而现在,诸多迹象都表明女性曾经取得的进步正在被侵蚀。近年来下列这些因素都综合导致了女性和男性相比,从物质到社会地位的弱势-飙升的房价,传统男尊女卑观念的死灰复燃,全国性的媒体报道给年轻受教育女性施加的结婚压力,以及立法制度等等。
  

吴梅离婚时,正好赶上中国人民共和国最高人民法院的《中华人民共和国婚姻法》修正案出台,此修正案有将革命里程碑向后翻转之嫌。1950年颁发的婚姻法除了给予女性拥有婚后共同财产及其他权利,接下来的几十年中,不同的法律修正案都进一步强化了婚后共同财产。然而中国政府2011年最新的修正案却规定,除非有特别法律公证,婚后的房产属户主一人,或房产登记证上的一方所独有。
  

而在中国,这个户主或房产登记证上的人,约定俗成地都是男性。
  

2012年零点研究咨询集团和凤凰网联合调研了几千在北京,上海,广州和深圳买房的人群,发现80%以上的婚房都属男性所有,或男性部分拥有,仅30%的婚房单独在女方名下。这些数字表明了房产在男女性别之间令人忧虑的不平等,而我个人的研究则表明当我们考虑到仅由男性拥有的房产数据时 ,这种不平等其实更为极端。
 

 持反对意见的人们会说,新婚姻法的解释是“中性”的。然而,本地的女权主义非政府性机构,(NGOs)却批评这些解释为妇女权益的倒退。李莹,北京源众性别发展中心咨询主任曾把婚姻法的修正案称为:“违反了婚姻法最基本的夫妻共同拥有财产的原则。”
 

 要真正开始理解婚姻法修正案对中国女性的房产权倒退所造成的严重后果,我们也许还要等待好几年时间。就算是拥有成功和特权如吴梅一样的女性,都被这个变化所伤害了。吴大学优异的成绩让她得到了国外法律系深造的机会。毕业后回北京不久,25岁的她嫁给了一位被家人认为“般配”的熟人。吴说:“我很多北京朋友已经结婚了,因为大家都觉得这是该做的事情。”她爱他吗?吴耸耸肩说:当时我没有更好的人选。”
  

虽然吴和家人都在她婚后价值百万的房中投资了几十万,按习俗这个房子仍然登记在男方一人名下。作为诉讼律师,吴很了解中国司法系统中存在的漏洞,也知道对薄公堂没有胜算,并将导致整件事情造成更持久的巨大伤害。所以她决定不仰赖法律系统,自己快点了解这件事,让她丈夫留着所有财产,并额外再付他10万人民币好让他同意离婚。2011年离婚后,他们的婚房 - 如今完全属于她前夫,已翻了三倍,如今价值约300万元。吴拒绝在自己名下买房前再结婚。她说:“如果我们结婚时我自己有房子,他决不可能威胁我到这种地步。”
  

像吴一样,很多中国女性都被称为史上最大房产积累的时代浪潮拒之门外了,这次积累据汇丰银行统计,在2010年就高达17万亿元。更糟糕的是,研究发现当受虐待妇女的财政权益没有保障时,她们更倾向于留在这种虐待的关系里。吴,因为她自身的高收入,得以从暴力婚姻中买得自由。

其他被虐待得妇女就没有这么幸运。尽管女权主义的NGO组织不断提出议题,政府部门仍然在延缓相应的防家暴等法规实施。在家暴司法问题上,中国落后有严重针对妇女家暴现象的其他发展中国家,如印度和孟加拉,这些国家都在2010年通过了反家暴法律条款。
  

官方数据表明四分之一的中国女性经历过家暴(虽然行动家们说真实比例更高)。然而让一个遭受家暴的妇女得到免受伴侣虐待的保护却异常困难。冯媛,反家庭暴力网的研究专家说:“法官几乎从不判一个案子为‘家庭暴力’,因为现行中国法规不够清楚明确。结果是,法庭通常把家庭暴力当作‘家庭纠纷’处理“。
  

可能有人觉得妇联作为全国性组织,会在这个针对妇女房产权益的法律问题上有明确的反对立场,毕竟共和国当初建立妇联就是为了”保护妇女的权利和利益。”解放妇女还曾是两次重大革命的主要目标,包括结束清王朝的辛亥革命,以及1949年中华人民共和国成立时到达巅峰的共产主义革命。然而妇联不只在中国婚姻法修正案的变化中保持沉默,还给城市受教育的二十多岁年轻女性中施压,让她们不要太有野心,越快越好地结婚。(妇联这种维护男性特权的特性可以与国家工会往往被用来控制劳工,而不是替他们争取权益相提并论。)
  

2007年,妇联创造了”剩女“这个词,特指27岁以上没结婚的女性,全国媒体同时开始大肆宣传逐年增加的受教育女性找不到丈夫的”危机“。中国的”剩“主要指剩下,没人要,或者必须丢掉的食物。当这个形容词和女性相连时,媒体情感上的指向就更为明显。
  

2010年,妇联的一个附属机构-中国婚姻家庭研究会,和一所婚恋网站百合网(baihe.com) 联合发起了一个全国性的调查,统计了三万多人对婚恋的看法。这个广为流传的官方调查用了这些标题:“看你属于哪种”剩“ 的调查把未婚25到27岁的女性说成 ”剩斗士“,通常用于武打电影的一个词。据说这些女性“仍有勇气去争取伴侣。”
 

 第二类是28到30岁的女人们,或者“必剩客”,一个把“必胜客”中国化的戏称。这些女性据说机会很有限,因为她们的职业发展让她们“没时间找。”
  

第三类是31-35岁的女性,被称为“斗战剩佛”,这些女性据说“高级剩女,艰难地在竞争激烈的职场求生,但仍然单身。”
  最后一类是35岁以上的女性,被称为“齐天大剩”,从“齐天大圣”直接修改而来。据说这类女性“有豪华的住所,私家车和好公司,为什么她们会剩下呢?”
  
这些人为炮制出来歧视女性的类别之讽刺之处在于,正是由于中国“一胎制”让很多想要男孩的家庭选择流产女婴,才导致了如今男女比例的严重失调,也才称为政府称为“社会稳定威胁”的局面。某些经济学家们认为中国男女比例失调应该让女性在婚姻市场上有更多权利才对。

(这种说法在某些偏远乡村也许适用,那些男女比例严重失调地方的女方家长会索要很多礼金。但就算是那些地方,研究也表明女性更容易因为太少而被强奸。)同时,父权思想仍然在中国社会广为流行。那些大城市出生,受教育又想要拒绝这些歧视风俗的女性们,每天都被各种媒体轰炸,无一不是让她们停止专心事业,否则就会找不到丈夫。
  

在2011年末,中国民政部展开了一次更大范围的婚恋调查-这一次涵盖了5万多人。新华报社用“剩女择偶:没钱免谈,有房为上”为标题。报道引用了不断回流的数据:“在选择伴侣方面,70%的女性说男人结婚前必须有房。”
  但在我和城市中受教育的50例以上男女深度访谈中,我还没有发现一例20多岁或30多岁的女性仅仅因为男方没房就不愿结婚的。(一个女生的男友本来就对她不好,还指责她用他没有房子为由不结婚。)相反,我发现很多20多岁的女性们,或者更年轻的,都非常担心变成“剩女”,因此非常着急地嫁给错的男人,也不懂得保护她们自己的经济利益。
  

也许政府关于“剩女”的调查和婚恋网之间的数据一致仅仅是巧合。或者,更可能,婚恋行业本身就从这些报道中获益,让男人们买房才结婚,让女人们27岁前就必须把自己嫁掉。
  同时,男人必须有房子才能安抚女人和丈母娘的说法在房产飙升上起到了推波助澜的作用。
  

2012年,由零点研究咨询公司和凤凰网联合进行,在中国高端房地产市场(北京,上海,深圳,广州)的购房者们调查中再次证实了这一点。袁岳,认为很多年轻男人相信媒体关于丈母娘的宣传 - 除非他们买房,否则女性不会嫁给他们。“但我们从数据中看到,其实这种说法并不真实。” 袁先生在凤凰网十月的一次媒体会议上说:
  

当女儿们到了26岁,她就进入了危机。当女儿们28岁时,这种感觉会变成莫大的恐惧和折磨。所以你们(指男人)只要先不急着结婚就好了,等你们女朋友到了28岁,你的丈母娘就再也不会强求你婚前买房了。 

鉴于“剩女”的媒体宣传做得如此成功,中国国家人口和计划生育委员会公布了2012-2013年婚恋调查,这次声称:“70%的18-25岁女性喜欢比她们大10岁以上的男人。” (有意思的是,最近一次婚恋网站-家园网的报道把这个数字降低到了52%女人们说男人必须婚前有房 - 也许这个变化是个象征,说明就算是官方媒体也不能太偏离真相。)
  

在这篇文章的书写过程中,我收到微博上很多留言,抱怨中国媒体对于“老男人的迷恋。”一个女性说她丈夫告诉她:“这个调研说很多女孩喜欢年纪大的男人。”挤挤眼睛,他说:“你做我的伴侣太老了。”她在这段话后加了一个哭泣的脸,写道:“太自信的男人只会诉诸暴力。”
  我们能做些什么来帮助改善中国女性的处境呢?别想找政府帮忙。“男女平等”也许是一个口号,但在共产主义的60年进程中,政治局常委没有一位女性,就算毛在世时也没有,当时有更多注意力投入到变革父权社会习俗中去,1950年的婚姻法也开始实行。当其他发展中国家见证了越来越多的女性政治代表时,中国共产党中的女性代表持续落后 - 18大会议时仅占4.9%.
  

作为一个可作为女性在政界如何才能晋升的指标,21位女市长和代理女市长们最近在上海接受了插花,化妆的“培训”,以展现她们“优雅的外表”,这个报道来自北京的“单位”网,主要致力于研究文化政治的发展。
  

虽然媒体连珠炮一般地发起厌女症的报道,两性关系在中国的城市里仍然在朝平等方向发展。当我遇到工作的女性用自己的名字买房,或者父母帮女儿付首期贷款买房时,我都倍感振作。
  在新浪微博上,单身的中国女性开始抗拒被贴上“剩女”的标签。一位21岁的武汉女人在我的帐号上说:“‘剩女’是一种针对中国女人心灵和思想的强奸!中国社会从来都是男权社会,但中国男人还是不满足。”
  

另一位问道:“女人们就不能选择自己的生活吗?为什么选择单身的女人们要被社会中伤呢?” 下次你再看到一个高调宣称因为中国男女平等,某些中国女商人变得多么有权有势时,请考虑一下这个视角:虽然生活在中国,单身女人们仍然获得了成功,而不是相反。
  

想象一下如果吴梅,那位北京律师,没有仅仅因为自己25岁了就在巨大压力下嫁给自己不爱的人。想象如果她不同意把房产按习俗登记在丈夫名下。她需要忍受这些年丈夫的家暴吗?如果中国政府给她权利拥有婚后财产,和遭受家暴的援助呢?在另一种现实中,妇联可能会倡导更多女性权益,而不是让那些单身未结婚的年轻女性为自己想要在职场奋斗而感到羞耻。
  

中国女性会在持续地被压迫和剥夺权益后开始一场轰轰烈烈的政治斗争吗?现阶段很难看到。但1907年,中国革命烈士秋谨就曾写道:“男女平权天赋就,岂甘居牛后?”几年后,中国男女一起抗争自由的努力瓦解了清政府。如果历史有借鉴性的话,中国领导们正在以自身利益为代价忽略正在加深的男女不平等。


  Leta Hong Fincher (洪理达)来自美国,就读清华的社会学博士生,曾是一位获奖的新闻记者。