Smart cities en Chine : focus sur l’impression 3D et les nouveaux matériaux

3D-printed bridge Shanghai

La nécessité urgente de relever les défis posés par le changement climatique et l’urbanisation rapide de la Chine implique à la fois les secteurs privé et public. Les projets sont développés à l’échelle locale mais également planifiés au niveau national.

En décembre 2018, un pont en matériaux composites imprimé en 3D de 15 m de long a été ouvert aux piétons dans le parc Taopu à Shanghai (en photo ci-dessus). Le pont a bénéficié de la technologie d’impression 3D mise au point par le groupe étatique Shanghai Construction Group.

« La particularité de ce pont est son innovation de rupture en termes de matériaux et de processus de construction », explique Chen Xiaoming, ingénieur en chef adjoint au Shanghai Construction Group, qui précise que le choix des matériaux est essentiel. Après de nombreuses comparaisons et tests, l’équipe de construction a finalement choisi un matériau contenant une certaine proportion de fibres de verre ajoutée à l’ASA (un plastique technique), ainsi que des matériaux anti-vieillissement, de sorte que le pont présente une résistance élevée aux intempéries et une grande résistance aux chocs.

Il peut résister au soleil et à la pluie sur le long terme, tout en répondant aux exigences des matériaux d’impression 3D et des matériaux de construction. Le groupe a veillé à ce que la résistance et la durabilité du pont soient conformes aux normes nationales de l’industrie de la construction. « Le pont a une durée de vie allant jusqu’à 30 ans. Il peut transporter 250 kg par mètre carré, ce qui équivaut à un minimum de 4 adultes par mètre carré qui passent en même temps », explique Chen Xiaoming.

L’impression 3D n’est pas seulement une nouvelle façon de construire, mais aussi une subversion du modèle architectural traditionnel, indique le Shanghai Construction Group dans un communiqué de presse. « Sur le site d’impression 3D du pont, le robot d’impression a laissé la scène propre et rangée, sans poussière ni débris de construction. En plus de la réduction des coûts humains et de la promotion de la construction écologique, le process d’impression du pont n’a pas pris plus de 40 jours : la construction intelligente a fait un grand pas en avant en termes de rapidité. »

Réduction des coûts humains et des déchets

Parallèlement, Shanghai a également fourni un cadre à l’un des plus longs ponts piétonniers en béton imprimés en 3D au monde, achevé quelques semaines plus tard. Conçu par le professeur Xu Weiguo de l’Université Tsinghua (École d’architecture) – Zoina Land Joint Research Center for Digital Architecture, le pont de 26,3 m de long a été construit en collaboration avec la Shanghai Wisdom Bay Investment Management Company.

Inspirée de l’ancien pont Anji à Zhaoxian, en Chine, la structure à voûte unique a été créée à l’aide d’un système de béton imprimé en 3D développé par l’équipe du professeur Xu Weiguo, intégrant la conception numérique, la rentabilité et les technologies intelligentes. Les balustrades du pont, qui couvrent une largeur de 3,6 m, ont la forme de rubans sur l’arc, créant un léger mouvement sur l’étang de la Shanghai Wisdom Bay.
 
Le pont est constitué de 44 unités de béton creuses imprimées en 3D, tandis que la rambarde est divisée en 68 unités. Les composants du pont ont été imprimés à partir de matériaux composites contenant du béton de fibres de polyéthylène pour correspondre aux performances structurelles des matériaux conventionnels.
 
Le processus de conception a impliqué la construction d’un modèle physique du pont à l’échelle 1: 4, construit pour démontrer la viabilité du projet et prouver que le pont pouvait contenir des piétons sur toute la surface. Pour la construction proprement dite, les composants en béton du pont ont été imprimés par deux bras robotisés, en l’espace de 450 heures. Le processus simplifié aurait permis de réaliser des économies de 33% par rapport à un processus de construction plus conventionnel, principalement du fait de l’élimination des gabarits et des barres d’armature, selon le site d’information ArchDaily.

Stratégies de gestion de l’eau

Face à l’urbanisation rapide, la Chine a adopté avec enthousiasme le concept de « sponge city », une réinvention de l’environnement urbain où presque chaque goutte de pluie est capturée, contrôlée et réutilisée.

Le gouvernement chinois a déjà choisi 16 villes pilotes, dont Wuhan, Chongqing et Xiamen, et alloué de 400 à 600 millions de yuans à chacune d’elles pour la mise en œuvre de stratégies novatrices de gestion de l’eau qui transformeront progressivement ces villes en « sponge-cities ».

En juin 2015, l’État a autorisé la nouvelle zone de Gui’an, dans la province du Guizhou, à devenir l’une des 16 zones pilotes de l’initiative relative aux villes-éponges en Chine, qui vise à créer des systèmes naturels dans les zones urbaines pour atténuer le ruissellement des eaux de pluie et reconstituer les eaux souterraines grâce à l’utilisation de surfaces perméables et d’une infrastructure dédiée.

Les travaux de construction ont d’abord été lancés sur une superficie de 19,55 km². Le plan final consiste à rendre l’ensemble de la surface de 1 795 km² capable d’absorber et de réutiliser les eaux de pluie afin de remédier aux inondations urbaines, de préserver les ressources en eau et de protéger le système écologique local.

Jusqu’à présent, 75 projets sont en cours pour la construction de routes, de parcs et d’installations de traitement des eaux avec des matériaux perméables. L’investissement prévu est d’environ CNY 6,9 milliards (US$ 1,05 milliard), selon les données officielles de la province du Guizhou.

Entre temps, la zone a installé 70 dispositifs de surveillance pour collecter des données opérationnelles sur les installations de la ville-éponge, notamment sur l’utilisation des précipitations, les niveaux d’eau et le système hydrographique. La plate-forme d’information gérera et analysera les données recueillies afin de prévoir les dangers environnementaux potentiels.

« Pour la construction de la rue principale de la nouvelle zone de Gui’an, l’avenue New Era, une variété de nouveaux procédés et technologies ont également été conçus », a expliqué Xu Dezhi, ingénieur chez Gui’an New District Development and Investment, à un journal local. Le puits d’inspection des eaux de pluie est transformé en un puits composite à débordement. Le système et les installations d’éponges sont efficacement combinés pour garantir que la couverture du puits respecte les exigences en matière de résistance, tout en renforçant l’effet paysager. En outre, l’avenue New Era utilise des matériaux composites et des cailloux dans une piscine de filtration des eaux de pluie.

Eco-cities chinoises: l’utopie va-t-elle enfin devenir une réalité?

Au-delà de la gestion de l’eau, les autorités centrales chinoises ont approuvé en 2017 un plan directeur pour la nouvelle zone de Xiong’an, près de Pékin, dans la province centrale du Hebei, réitérant que sa création aura « une importance durable pour le prochain millénaire. »

La nouvelle éco-city étant un banc d’essai de l’urbanisation verte, le gouvernement a promis que la population de Xiong’an se contenterait des ressources existantes pour la soutenir. La ville sera alimentée en « électricité propre », ce qui en Chine n’exclut pas le gaz naturel, selon le site web spécialisé Chinadialogue. Cependant, au moins la moitié de l’électricité de la ville devrait provenir de ressources renouvelables.

Plus précisément, Xiong’an sera le premier test de la vision écologique des dirigeants chinois appliquée à une mégapole, dans laquelle tout doit être construit à partir de zéro dans ce qui était auparavant un marigot économique près de Pékin.

Parmi les entreprises liées à la nouvelle région de Xiong’an, on compte Hubei Huitian New Materials, ainsi que Kuang-Chi Group, une société de fabrication de nouveaux matériaux basée à Shenzhen, dans la province du Guangdong. La société a signé un accord de coopération stratégique avec Xiong’an New Area afin de promouvoir la recherche et le développement de nouveaux matériaux et l’intégration de la vie civile et militaire dans la nouvelle zone.

La Chine a une longue histoire en termes d’eco-cities. Le premier projet de ville écologique chinoise, la ville de Yichun dans la province du Jiangxi, remonte à 1986. Les projets qui ont suivi étaient des programmes développés localement avec des résultats mitigés. Selon le journal Nanfangzhoumo, ils ont donné à des sociétés étrangères la possibilité de procéder à des tests sans être tenus pour responsables.

Pour Xiong’an, planifié à l’échelle nationale, les observateurs chinois et étrangers sont plus optimistes. Toutefois, selon Chinadialogue, le soutien politique unique, ainsi que les ressources et l’expertise qui lui ont été apportées, pourraient faire de Xiong’an un cas exceptionnel qui se révèle difficile à reproduire ailleurs.

Cet article a été commandé par JEC Group et publié dans le Hors Série de JEC Composites Magazine consacré aux Smarter Cities.