Moutai, la marque qui va faire connaître le baijiu dans le monde entier

Baijiu Moutai

Moutai est classée 2e dans le Futurebrand Index 2018. Jon Tipple, directeur de la stratégie de Futurebrand, estime que la première marque chinoise de baijiu est au début de sa phase d’internationalisation.

Le géant chinois Kweichow Moutai (贵州茅台) a fait une entrée fracassante dans le Futurebrand Index. La marque a été la deuxième mieux perçue en termes de « potentiel » par un panel de personnes « informées et influentes » interrogées dans 18 pays, dont la Chine. Ce classement, réalisé tous les deux ans par la société de branding Futurebrand, limite son champ d’étude aux 100 premières marques mondiales en termes de capitalisation boursière selon le cabinet PwC.

« Les Chinois interrogés ont été moins enthousiastes vis-à-vis de Moutai que les sondés en Europe et outre-Atlantique. En Chine la marque fait partie du paysage depuis longtemps », indique Jon Tipple, directeur de la stratégie de Futurebrand, lors d’une interview exclusive avec Chinessima. Ceci peut paraître surprenant car la marque est peu connue en dehors de la Chine, où elle domine le marché des baijiu (白酒, alcools blancs à plus de 50° à base de sorgho, de riz, de froment ou de maïs) en notoriété, prestige, et chiffre d’affaires (CNY 60 milliards, € 7,5 milliards en 2017).

Cachet social

Une des marques concurrentes, Luzhou Laojiao (泸州老窖), semble plus ambitieuse à l’international. Elle a été la seule marque chinoise de baijiu à participer à la Coupe du Monde de football 2018. Déjà en 2013, elle avait organisé au Louvre à Paris une dégustation de baijiu. Un producteur français de cognac avait été invité à se prononcer sur le dernier produit de la marque.  

Baijiu Moutai

Et pourtant, sur Instagram, le hashtag Moutai réunit 7 560 publications (surpassant largement #Luzhoulaojiao), principalement de Chinois ou d’Asiatiques, mais également d’Occidentaux qui découvrent la marque. « J’ai un peu honte de l’avouer, je ne savais pas que Moutai existait, dit un instagrammeur new-yorkais qui se présente comme un amateur de whisky. C’est très différent de tout ce qu’on peut trouver habituellement et assez intéressant. »

« Moutai a une approche très innovante de l’expérience de dégustation, elle crée des rites. Plutôt qu’offrir un alcool à boire, la marque crée un monde à explorer. Elle emprunte les codes qui existent dans les univers des spiritueux haut-de-gamme et du luxe », explique Jon Tipple. Pour lui, les consommateurs sont à la recherche de nouvelles expériences à partager et « tout ce qui est connoté ‘sagesse chinoise’ a beaucoup de ‘cachet social’.»

Le prix très élevé de Moutai (au minimum 300 € la bouteille de 50cl), dont la liqueur de base nécessite plusieurs fermentations et distillations et plus de quatre ans de garde avant d’être mise en vente, est un élément qui joue aussi. « C’est un indicateur de qualité, affirme Jon Tipple. Lorsque vous ne connaissez pas ce que vous buvez, le fait que ce soit très cher vous le fait potentiellement apprécier bien plus. »

Le grand retour

Très lié à la vie sociale chinoise, le baijiu Moutai figure parmi les cadeaux luxueux souvent offerts aux clients et aux officiels. A ce titre, Moutai a fait partie des marques visées par la campagne anti-corruption déclenchée par le gouvernement chinois au début des années 2010. Ceci explique peut-être que la presse chinoise a peu commenté cette arrivée de Moutai dans le Futurebrand index 2018. Elle a préféré mettre en avant la montée en puissance des marques financières chinoises, en particulier Ping An Group. Déjà présente dans les classements précédents, le groupe financier chinois a cette fois atteint la 7e position en gagnant 10 places.

« Moutai est de retour, le potentiel est immense si la marque est cohérente avec ce qui est attendu d’elle », affirme Jon Tipple, qui trouve passionnant d’observer une marque, « énorme en chiffre d’affaires mais encore peu connue ». Pour Bloomberg, Moutai présente un « déficit d’offre » : « après la campagne anti-corruption de Xi Jinping en 2013, le management a freiné la production de liqueur, ce qui a laissé des millions de consommateurs assoiffés. » 

Le président de Moutai, Yuan Renguo, a déclaré dans une interview qu’il souhaitait lancer davantage de produits ultra-premium et personnalisés qui capitalisent sur la marque Moutai. « Il y a 2 000 ans, la carte de visite chinoise, c’était les lions, il y a 1 000 ans, la porcelaine de Chine, il y a 500 ans les feuilles de thé et aujourd’hui ce sont ses propres marques avec leur propriété intellectuelle, dit-il. Et je crois que Moutai est l’une d’entre elles. »