EV: quel avenir pour les marques chinoises après 2020 et la fin des subventions publiques

Polestar Geely

Une fois que les constructeurs chinois et internationaux de voitures électriques (EV) se seront affrontés sur un pied d’égalité, restera-t-il encore beaucoup d’intervenants ? Deux spécialistes de l’industrie automobile chinoise expriment des opinions différentes.

Depuis des années, Pékin subventionne le marché chinois des véhicules électriques (EV) et ses marques locales. Porté à la fois par des préoccupations environnementales et par l’ambition de prendre un leadership mondial qui a échappé à la Chine avec les voitures à essence, ce soutien a été assez efficace jusqu’à présent.

En 2017, la Chine a franchi le seuil des 50% du marché mondial des ventes de voitures de tourisme électriques (avec 600 000 unités vendues), soit autant que les sept pays suivants combinés. Et Pékin vise les 2 millions d’unités en 2020 et 16 millions en 2030. Dans le cadre du plan industriel ‘Made in China 2025’, les véhicules à énergies nouvelles représentent l’un des dix secteurs clés au sein desquels Pékin espère voir les acteurs nationaux rattraper les grandes marques mondiales et devenir autosuffisants.

Soutien privé et public entremêlés

Chaque salon automobile en Chine ou ailleurs est l’occasion de mettre en lumière les derniers prototypes de véhicules électriques chinois présentés par les NIO, Singulato, Byton, Qiantu Motor, Xpeng, etc. Beaucoup de ces nouvelles entreprises ne proviennent pas du secteur automobile, mais de l’industrie numérique. Le géant chinois de l’Internet, Tencent Holdings, fait partie des investisseurs de NIO, tandis que Xpeng bénéficie du soutien du groupe Alibaba. « Pour ces acteurs de l’Internet, investir dans les véhicules électriques leur permet de commencer à se positionner sur le créneau des voitures autonomes et connectées », explique le journal économique Les Echos.

Le soutien privé n’est qu’une partie de l’équation. Selon le site Internet Quartz, BYD, basé à Shenzhen, le deuxième fabricant mondial de véhicules électriques après Tesla, a reçu environ CNY 4 milliards (€ 520 millions) de subventions gouvernementales de 2013 à 2017, d’après ses rapports financiers. Ce soutien a joué un rôle important dans la croissance de BYD, fabricant de batteries devenu un acteur majeur sur le marché mondial des véhicules électriques en un peu plus de deux décennies, comme le rapporte Qiu Kaijun, qui gère un site internet dédié aux acteurs du secteur des véhicules électriques.

BYD
Photo extraite du site officiel de © BYD

Selon le South China Morning Post, Great Wall Motor, le plus grand constructeur de véhicules utilitaires sport (SUVs) sur le continent, a récemment lancé son modèle R1, un mini véhicule électrique à quatre places d’une autonomie allant jusqu’à 350 km, sous sa marque Ora.

« La R1 coûtera environ CNY 110 000 (€ 14 425). Les subventions des autorités centrales et locales devraient compenser jusqu’à CNY 50 000 le prix payé aux consommateurs », affirme le journal appartenant au groupe Alibaba. Il ajoute que les petits véhicules électriques représentent la plus grande partie du marché chinois des véhicules à énergies nouvelles, avec 400 000 unités vendues par an.

Une réglementation plus stricte

La Chine envisage toutefois de sevrer les fabricants nationaux de véhicules électriques de subventions et de relever les normes techniques au cours des cinq prochaines années. Parallèlement aux subventions, la réglementation fixe des limites obligatoires pour la consommation de carburant. La CAFC (Corporate Average Fuel Consumption) ne peut dépasser une moyenne de 5 l / 100 km pour les voitures vendues en 2020. En outre, l’exonération de la taxe de vente disparaîtra – la taxe de vente est de 10% sur le prix de la voiture, et les véhicules électriques en sont exemptés pour le moment. Les constructeurs automobiles chinois devront rivaliser sur un pied d’égalité avec les entreprises étrangères, notamment Tesla et Volkswagen, qui construisent toutes deux des usines en Chine.

« Après 2020, les véhicules électriques de marques étrangères réduiront davantage les parts de marché des véhicules domestiques, mais elles ne feront pas disparaître pour autant les marques chinoises, a déclaré Qiu Kaijun à Quartz. Si vous ne comparez que les meilleurs modèles, les marques chinoises et étrangères seront plus ou moins au même niveau. »

Ce n’est pas l’opinion de Jochen Siebert, directeur général de JSC (Shanghai) Automotive, société de conseil en management spécialisée dans le marché automobile chinois. « Le marché des véhicules électriques en Chine va complètement changer après 2020 », explique-t-il au magazine JEC Composites. « La plupart des petits véhicules électriques qui sont actuellement des best-sellers vont disparaître. » Selon lui, les 12 prochaines années vont se dérouler en plusieurs phases, dont certaines se chevaucheront :

  • Jusqu’en 2020, les équipementiers chinois produiront des véhicules électriques principalement pour recevoir des subventions et parce que les exploitants de parcs de véhicules sont leurs principaux clients, avec lesquels ils partagent la même maison-mère. Par exemple, BAIC et la flotte de taxis de Pékin appartiennent tous les deux à la municipalité de Pékin.
  • À compter de 2019, les constructeurs chinois produiront des véhicules électriques principalement parce qu’ils ont du mal à vendre leurs véhicules hybrides rechargeables et parce que les véhicules électriques obtiennent davantage de crédits de carbone pouvant être vendus.
  • Les équipementiers internationaux se concentreront principalement sur les objectifs de la CAFC et utiliseront les véhicules hybrides et d’autres technologies jusqu’au début des années 2020. Les principales raisons de ne pas vendre plus de véhicules électriques jusque-là sont l’anxiété liée à l’autonomie et le coût élevé des batteries de véhicules électriques.
  • Une fois que les batteries de véhicules électriques deviendront plus compétitives par rapport aux moteurs à essence et que l’angoisse de la panne disparaîtra du fait de batteries plus volumineuses et du nombre suffisant de stations de recharge, les constructeurs chinois et internationaux utiliseront davantage de véhicules électriques et les véhicules hybrides seront progressivement supprimés. Cette phase débutera vers 2022.
  • Le quota NEV (New Energy Vehicles, incluant véhicules électriques et hybrides) devrait augmenter chaque année de 2% après 2020, ce qui signifie qu’il atteindra 32% en 2030. Il sera beaucoup plus facile d’atteindre ces objectifs avec des véhicules électriques plutôt qu’avec des véhicules hybrides. Les limites du CAFC seront ramenées à 4l / 100 km en 2025 et à 3,2l / 100 km en 2030. Ces limites seront atteintes par la vente de gros volumes de véhicules électriques.

Jochen Siebert estime que, à partir de 2024 environ, le marché des véhicules électriques sera dominé par des marques internationales telles que Volkswagen, Toyota, etc. Les marques chinoises seront à la peine, à l’image de leur situation actuelle sur le marché des voitures à essence. « La seule entreprise chinoise qui pourrait sortir son épingle du jeu est Geely, le propriétaire de Volvo. Je ne pense pas qu’aucun des nouveaux acteurs ait réellement une chance une fois que les ‘poids lourds’ auront rejoint le marché des véhicules électriques et combattront sérieusement », conclut le consultant.

Volvo est également propriétaire de Polestar (photo ci-dessus © Polestar), une voiture de performance électrique conçue avec une teneur record en fibres de carbone. Entraînant un gain de poids total de 230 kg, les composants en fibres de carbone ont été largement utilisés dans la structure de la voiture, notamment le capot, le capot de coffre, les panneaux latéraux, les portes et l’ensemble de la structure du toit. Situé à Chengdu, dans la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine, le centre de production Polestar, actuellement en construction et destiné à une production à grande échelle à partir de la mi-2019, est spécialement conçu pour gérer le caractère complexe de la construction en fibre de carbone. En termes d’articles de presse publiés sur Polestar avant même sa mise sur le marché, cette marque semble avoir une longueur d’avance sur ses concurrents pour la période post-2020.

Cet article a été commandé et publié par JEC Group dans le JEC Composites Magazine n°127