Top 6 des marques patrimoniales chinoises : n°6 La Cité Interdite (故宫)

Palace Museum © Xinhua

Le magazine économique chinois Cyzone (创业邦) a identifié les six marques patrimoniales chinoises à plus fort potentiel en termes de vente, y compris à l’international. Poussée de nationalisme et de nostalgie, goût prononcé pour les produits intersectoriels : les Chinois ne semblent pas prêts à délaisser les marques qui font partie de leur histoire. Classée en dernière et 6e position, La Cité Interdite (故宫博物院) est devenue récemment une inépuisable source d’inspiration pour les marketeurs chinois.

« La Cité Interdite (故宫博物院) , qui fêtera ses 600 ans en 2020, est passée du statut de ‘vieux pédant’ à celui de ‘trendsetter’ aux mille facettes », affirme le magazine économique chinois Cyzone (创业邦). Selon lui, plus de 10.000 produits ont été créés avec la licence de la Cité Interdite et ont représenté en 2017 des ventes de CNY 1,5 milliard (€ 194 millions).

Jouets pour enfants, gâteaux de la fête de la lune, coques pour smartphones … depuis quelques années, de nombreux objets ont été inspirés par les œuvres d’art et la décoration de l’espace clos situé au cœur de Pékin, qui abritait jusqu’au début du XXe siècle la résidence des empereurs de Chine.

 © Cyzone (创业邦)

« Le succès commercial de la Cité Interdite met en évidence le manque de produits culturels innovants en Chine et une forte demande intérieure non exprimée », a déclaré le journal hongkongais South China Morning Post, en observant que les produits les plus plébiscités étaient ceux qui apportaient généralement une touche humoristique à la culture traditionnelle.

Séduire les jeunes

L’année dernière, la direction de la Cité Interdite est passée à la vitesse supérieure en termes de promotion en se tournant vers la télévision, la musique et les jeux vidéo. Pour la première fois de son histoire, selon l’agence de presse officielle chinoise Xinhua, la Cité Interdite a produit une émission télévisée, en collaboration avec Beijing TV.

L’émission, très bien notée par les téléspectateurs et les internautes chinois, mettait en vedette des acteurs et des actrices populaires, guidés par des experts en histoire de l’art.

Après avoir exploré la Cité Interdite, ils proposaient, avec l’aide de créateurs de mode et d’étudiants en stylisme, la création d’articles incorporant des éléments décoratifs de l’ancienne résidence impériale, tels que des bracelets, porte-monnaie, stylos ou éventails.

Parallèlement, la Cité Interdite a organisé un concours musical avec le géant chinois Tencent, invitant compositeurs et chanteurs à écrire des chansons s’inspirant de dix chefs-d’œuvre de la peinture exposés dans le musée.

Le conservateur de la Cité Interdite, Shan Jixiang, a déclaré à Xinhua que ces nouvelles approches visant à associer les trésors du musée aux nouvelles technologies et à la musique devraient stimuler la créativité de la jeune génération tout en insufflant une nouvelle vitalité à la culture traditionnelle chinoise.

Percée dans les cosmétiques

Peu de temps après, selon le site web professionnel américain Jing Daily, une série de vidéos montrant comment décorer des tubes de rouges à lèvres et des bouteilles de parfums de marques de luxe avec des bandes adhésives illustrées est devenue virale sur Weibo et WeChat. Les bandes adhésives en question proviennent de la Cité Interdite.

Elles présentent des éléments traditionnels chinois, tels que des calligraphies célèbres, des sceaux, des peintures et une variété de motifs typiques de l’esthétique chinoise inspirés de fleurs, de porcelaine, de meubles, etc.

Ce phénomène Internet a probablement incité la Cité Interdite à aller plus loin dans le secteur des cosmétiques. Fin 2018, la Palace Museum Cultural and Creative Store, boutique de souvenirs officielle de la Cité Interdite, a lancé une ligne de rouges à lèvres déclinés en six couleurs, chaque nuance étant inspirée de la porcelaine et des bijoux de la Chine ancienne.

L’emballage est agrémenté d’images évoquant des auspices favorables, comme des grues, des cerfs et des jonquilles sur fond noir, blanc, jaune ou bleu marine. Chaque tube est vendu au prix de 199 yuans (26 euros).

Deux jours plus tard, Palace Museum Taobao – une boutique de la place de marché en ligne d’Alibaba, qui a l’autorisation de la Cité Interdite – a proposé une ligne de huit produits de maquillage, notamment un fard à paupières, un rouge à lèvres et un highlighter.

Les deux lignes de rouge à lèvres officiellement autorisées par la Cité Interdite © Sixth Tone

Les deux lignes se sont très bien vendues. Selon le South China Morning Post, 100 000 rouges à lèvres ont été achetés en ligne quatre jours après leur lancement, « contribuant ainsi à transformer le monument historique en une marque tendance. » La Cité Interdite a collaboré avec Bloomage Biotechnology, une société basée à Pékin, pour concevoir et produire certains des produits de maquillage.

Gestion de marque chaotique

Cependant, ces deux lancements simultanés ont provoqué la confusion parmi les internautes qui se demandaient quelle était la ligne officiellement autorisée. En fait, les deux lignes l’étaient, comme l’a vérifié le site web chinois d’informations Sixth Tone.

Selon les autorités pékinoises, Palace Museum Taobao est géré par Beijing Shangchao Creative Souvenir Development Co. Ltd.. et autorisé par le service culturel de la Cité Interdite. La Palace Museum Cultural and Creative Store, de son côté, est directement contrôlée par le musée. Les deux sociétés opèrent de manière totalement indépendante, explique Sixth Tone.

« La gestion de la marque Cité Interdite est chaotique et aurait besoin des services de professionnels du marketing », a déclaré au South China Morning Post Shaun Rein, directeur général du China Market Research Group.

Néanmoins, s’inspirer de la mémoire séculaire du plus prestigieux musée de Chine reste un gage d’authenticité et de pertinence culturelle, comme en témoigne la décoration du café Luckin Coffee ouvert l’année dernière au sein de la Cité Interdite.

D’autant que les marques étrangères manquent souvent de pertinence lorsqu’elles essaient d’incorporer des éléments chinois dans leurs collections.

« Pourquoi les marques de luxe ne peuvent-elles pas étudier la véritable ‘esthétique chinoise’ à travers des exemples tels que ces bandes adhésives de la Cité Interdite ? », se sont demandé de nombreux utilisateurs Weibo et WeChat, comme le rapporte Jing Daily.

Selon ce dernier, les erreurs que les marques de luxe commettent souvent lorsqu’elles tentent de satisfaire les goûts des consommateurs chinois sont dues à une incompréhension de la langue, des symboles et de l’imagerie chinois, ainsi qu’à un usage abusif de couleurs vives.