La Chine veut lancer rapidement son C919 sur le marché régional

Le CR929 sino-russe à large fuselage n’est pas le seul avion que COMAC souhaite utiliser pour contester le duopole Airbus-Boeing. Avec le moyen-courrier C919, la concurrence commencera d’abord sur le marché émergent des vols régionaux.

En octobre dernier à Pékin, à peu près au même moment que les célébrations du 70e anniversaire de la république populaire de Chine, la Commercial Aircraft Corporation of China, Ltd. (COMAC) a organisé une cérémonie de lancement du premier lot de production du programme C919.

La production des pièces et composants du premier avion C919 a commencé dans les bâtiments des usines de Xi’an, Shanghai et Chengdu. Selon la société étatique COMAC, ceci marque un progrès substantiel dans la mise en place parallèle des tests en vol et de la production par lots du C919.

Développer et produire ce type d’avion sûr, fiable et compétitif sur le marché implique un système d’ingénierie extrêmement complexe. Après son vol inaugural le 5 mai 2017, l’avion C919 est officiellement entré en phase de vol test. Jusqu’à présent, quatre avions ont effectué des vols tests à Shanghai, Xi’an, Dongying et Nanchang.

Avec son corps étroit, le C919 pourra transporter de 156 à 168 passagers dans une configuration de fonctionnement normal. Il sera nettement plus grand que l’ARJ21, le premier avion conçu par COMAC (le 15e vient d’être livré à Chengdu Airlines), qui présente une configuration de cabine entièrement de classe économique et peut accueillir 90 passagers.

Toutefois, le C919 sera plus petit que le CR929, un avion gros-porteur longue portée, de 250 à 320 places, développé conjointement par COMAC et le groupe russe United Aircraft Corporation, dont la production ne devrait pas commencer avant 2023.

Boom du commerce électronique et de la livraison express

Moins médiatisé que le CR929 sino-russe, le moyen-courrier C919 se positionne sur un marché régional en plein essor. Dans son rapport 2019 China Civil Aviation Market Outlook, Boeing prédit que d’ici 2038, la Chine aura besoin de 5 960 nouveaux avions à couloir unique utilisés prioritairement sur les routes intérieures et régionales, représentant 74% de toutes les livraisons.

La demande de gros-porteurs sera de 1 780 avions, soit le triple de l’actuelle flotte chinoise. Selon le rapport, la forte expansion du marché chinois du commerce électronique et de la livraison express sera un important moteur de croissance pour le fret aérien, avec une demande de 230 nouveaux avions cargo et de 500 avions cargo modifiés au cours de la même période.

Globalement, il prévoit que la Chine aura besoin de 8 090 nouveaux avions d’une valeur de US$ 1 300 milliards au cours des 20 prochaines années, ainsi que de services aériens d’une valeur de US$ 1 600 milliards pour faire face à la croissance annuelle de son trafic aérien de 6%. Les prévisions pour cette année sont en hausse de 7% par rapport à 2018.

« La Chine est l’un des marchés les plus dynamiques et à la croissance la plus rapide au monde », a déclaré Randy Tinseth, vice-president, Commercial Sales & Marketing chez Boeing, lors de la présentation du rapport à Pékin. « Le nombre croissant de personnes à revenu intermédiaire, les investissements importants dans les infrastructures et les technologies de pointe destinées à rendre les avions plus confortables et plus efficaces continuent de générer une demande énorme en matière de transport aérien. »

Sur ces marchés très concurrentiels, axés sur la technologie et la sécurité, la certification est essentielle, COMAC ayant également l’intention d’exporter le C919 ainsi que le futur CR929. La certification de l’avion C919 par la Chinese Civil Aviation Administration (CAAC) a été reportée à 2021, a déclaré le vice-président de la société, Wu Guanghi, à l’agence de presse étatique Xinhua.

Opportunités pour la certification

Dans ce contexte, Element Materials Technology (Element), fournisseur européen de services de test, d’inspection et de certification, vient d’ouvrir un nouveau laboratoire d’essai de matériaux pour l’aérospatiale à Shanghai.

Ce laboratoire de 2 800 m², représentant un investissement de US$ 7 millions, offrira son expertise aux constructeurs aéronautiques et à leurs chaînes d’approvisionnement basés dans la région. L’installation fournira également des services de test aux marchés locaux du pétrole et du gaz, des transports, de la production d’énergie et de dispositifs médicaux.

« L’industrie aérospatiale chinoise connaît une croissance rapide et cet investissement répond directement aux besoins de nos clients en matière de services de tests de destruction pour les métaux et les matériaux composites, qui seront utilisés sur les générations actuelles et futures d’appareils développés dans la région », a commenté Rick Sluiters, vice-président exécutif chargé de l’aérospatiale chez Element.

Le soutien apporté par Element au secteur aérospatial chinois n’est pas nouveau : il a lancé récemment un projet sur une année visant à étudier le comportement hydrodynamique de l’avion C919 au laboratoire de Element à Warwick, au Royaume-Uni.

« Ce travail se poursuivra dans le nouveau laboratoire ultramoderne de Shanghai. Le site nous rapproche du client et lui permet d’économiser du temps et de l’efficacité », explique Wendy Cai, directrice des ventes en Chine et directrice générale adjointe du Laboratoire de Shanghai de Element. La société effectuera également des tests sur d’autres avions chinois tels que l’ARJ21 et le prochain CR929.

Le temps presse

« Actuellement, les avions chinois présentent de légères spécificités en termes de matériaux utilisés et de performances techniques si on les compare aux avions occidentaux. Mais la plupart des pièces utilisées dans les avions chinois sont les mêmes que dans les occidentaux », précise Wendy Cai.

« La part de matériaux composites dans les avions C919 est largement inférieure à celle des avions occidentaux jusqu’à présent, mais elle ne cesse de croître. La C919 utilise environ 12% de matériaux composites », ajoute-t-elle.

Pour arriver plus vite sur le marché, le C919 n’est pas fabriqué à 100% en Chine, comme l’ont révélé les médias occidentaux. Selon eux, Safran et General Electric fournissent le même moteur LEAP que l’Airbus A320 et le Boeing B737, tandis que l’allemand Liebherr fournit le train d’atterrissage.

Les sections principales de la structure de la cellule du C919 sont conçues indépendamment par COMAC, fabriquées par des sociétés chinoises, dont AVIC Xi’an Industrie aéronautique (Groupe) Co., Ltd (XAC), et assemblées par COMAC.

Une aubaine pour les fabricants chinois

« En tant que principal fournisseur d’éléments structurels de cellule pour l’avion C919, XAC a entrepris le développement de lots de travaux du corps du fuselage C919 (y compris l’aile centrale) et de la section d’aile extérieure, représentant plus de 35% de la structure totale de l’avion », précise COMAC.

La croissance du marché de l’aviation dans son ensemble semble être une aubaine pour les constructeurs chinois. « La Chine joue un rôle important dans tous les modèles d’avions civils de Boeing. Plus de 10 000 avions Boeing en activité ont installé des pièces fabriquées en Chine », a précisé Boeing dans son rapport de 2019. Selon le groupe américain, les avions Boeing constituent actuellement plus de 50% de la flotte de l’aviation civile en Chine.

Interrogée sur la probabilité de voir le C919 devenir leader du marché, Wendy Cai a répondu que « cela semble peu probable à court terme (c’est-à-dire dans les 10 prochaines années), COMAC étant encore loin des capacités de groupes tels que Boeing ou Airbus. »

Cet article a été commandé par JEC Group et publié dans JEC Composites Magazine.