Source : Blog de Hóng Huàng, rédacrice en chef de iLook Magazine, le 25 mai 2011
Nous pensons depuis longtemps au thème du spectacle, mais je n’ai pas encore trouvé d’angle suffisamment pertinent pour traiter ce phénomène de société. C’est Wang Jianwei qui nous a parlé de ce concept de « société du spectacle » et de Guy Debord. Je me suis dépêchée d’aller voir sur Wiki, et j’ai lu que l’université américaine Yale avait acquis toutes ses archives – dédaignées par le gouvernement français, parce que « Debord est le philosophe français le plus important du 20e siècle. »
« La société du spectacle » : ce livre a été traduit en chinois, je l’ai acheté, mais c’était tellement profond que je n’ai pas compris grand chose. Par chance j’ai interviewé un réalisateur de documentaires français, et j’en ai profité pour l’interroger sur Guy Debord. Il m’a répondu que c’était autrefois son dieu, et que dans les années 1960, les étudiants français de gauche croyaient en deux personnes, Guy Debord et Mao Zedong.
La pensée de Guy Debord est marxiste, c’est une critique de la société capitaliste. Selon lui, le développement de l’économie de marché conduira à une économie ‘du globe oculaire’, et arrivée à ce stade, notre société, à travers les médias de masse, deviendra une société du spectacle. La vue y sera le premier outil de propagande. Les masses ne pourront pas savoir vraiment la vérité sur les choses car elles n’auront sous les yeux que de simples moyens de communication. Debord estime que dans ce type de société, la vérité n’existe pas, ce qui est vraiment recherché, c’est l’apparence.
Société chinoise actuelle
De façon inattendue, Guy Debord, mort d’alcoolisme il y a quelques décennies, a décrit avec précision la plus grande caractéristique de la société chinoise actuelle, alors qu’à cette époque, il ne savait pas que quelque chose appelé blog ferait son apparition. Dans notre société du spectacle, Internet permet à chacun de se produire sur sa propre scène. Et les célébrités ne font même pas exception.
A l’origine, c’était Zhang Ziyi qui était prévue en couverture de cette édition. Elle peut en effet être considérée comme bénéficiaire, tout en étant victime, de cette société du spectacle. Depuis qu’elle et Yao Ming sont devenus les deux symboles de la culture chinoise contemporaine à l’international, elle attire autant de louanges que d’insultes. Mais qui sommes nous pour comprendre réellement une star comme elle.
J’ai soudain eu une idée : présenter Zhang Ziyi à Wang Jianwei, et le résultat de cette rencontre fut un projet de collaboration des deux personnalités sur ce qu’on peut appeler une oeuvre d’art contemporain de la société du spectacle. Nous voulions utiliser ce projet artistique pour notre couverture, mais malheureusement l’élaboration de l’oeuvre d’art nécessitait trop de temps, notre couverture de mai n’a pas pu illustrer la fusion méticuleuse des univers de Wang Jianwei et de Zhang Ziyi. Mais tout le monde attend avec impatience qu’elle soit dévoilée.
Depuis peu, « transfrontalier » est devenu un mot très à la mode, soudainement les élites veulent faire le grand écart, et traverser! Vers quoi, je n’en sais vraiment rien. Il est naturel de passer d’un domaine à l’autre, quand l’occasion se présente, cela n’a rien d’artificiel. Guy Debord était un philosophe, c’était également un artiste, et un homme de cinéma.
Wang Jianwei est un artiste, il a fait aussi du théâtre. Et Zhang Ziyi : de danseuse, elle est devenue actrice de théâtre, puis de cinéma, puis elle fait de l’art contemporain. Ce sont leurs propres initiatives et non pas des performances laborieuses pour se faire voir de tous côtés. Mais dans notre société du spectacle, cela fait aussi partie du paysage, nous pouvons critiquer comme bon nous semble. Dommage, notre couverture et nos articles ne traitent pas de ce phénomène, ce sera pour la prochaine fois.
Hóng Huàng