Source : 南方周末Nanfanghoumo du 26 novembre 2011
La classe moyenne chinoise est un groupe à multiples facettes qui progresse avec la rapide industrialisation et modernisation du pays. Sa culture, ses goûts, ses valeurs, sont très variés. Mais la tendance observée dans le milieu des affaires est de pousser au consumérisme. Si telle personne est définie comme ce qui se fait actuellement de plus élégant, elle deviendra alors un exemple à suivre.
Yichang, cette ville millénaire en amont du fleuve Yangtze, stimulée par le projet du barrage des Trois Gorges, est devenue un lieu typique de haute concentration de sociétés en plein développement. Ce phénomène favorise l’accession de nombreuses personnes à la classe moyenne. Mais tout en poursuivant son ascension, ce groupe a vu ses modes de consommation prendre diverses formes. Les préférences et les goûts de cette nouvelle classe moyenne manquant d’antériorité, l’imitation est devenue le style le plus courant de la culture de la consommation, et la télévision, le cinéma occidental, etc, jouent le rôle de guide instructeur pour les masses.
Véhicules tout-terrain
La voiture est un symbole de consommation prioritaire. Une marque de voiture luxueuse équivaut à un signe extérieur de richesse et de statut social élevé, un 4×4 à moteur très consommateur d’énergie est un emblème de guerrier des villes. Depuis tout petit, Chen Chang aime les voitures. Cinq ans après avoir créé son entreprise, il s’est acheté sa première voiture. En mars 2004, il a créé avec une dizaine d’amis ‘le club de voitures tout-terrain de l’armée de la huitième route’, sans enregistrement ni responsabilité requis. Chen Chang se fait appeler ‘commissaire’ un surnom en accord avec sa réputation dans le groupe. L’année suivante, l’enregistrement officiel de la confrérie est le ‘club des loups du Hubei’, Chen en étant devenu le président. La pratique des véhicules tout-terrain non seulement permet de renforcer son courage et sa bravoure, mais aussi permet de s’entraîner au self contrôle.
Parmi les aficionados figurent des patrons, ainsi que des employés de bureau, et de 20 à l’origine, les membres de ce club ont atteint 200 personnes. Ils accroissent constamment le niveau de difficultés des courses auxquelles ils participent, perfectionnant ainsi le niveau de conduite de voiture. En 2010 ils sont arrivés 14e au classement général du rallye de véhicules 4/4 en terrains boueux du Yunnan Dongchuan. Ils organisent régulièrement des longues virées en voiture ; l’année dernière ils ont allés jusqu’auNépal, et ont même eu un entretien avec le premier ministre du pays Madhav Kumar Nepal. Ils ont à de nombreuses reprises participé à des compétitions de 4/4 dans toute la province. C’est une manière pour eux de s’approprier l’espace public et d’en avoir un usage privé.
Nombreux hobbies
En 1986, Li Shuangxi, âgé de 15 ans, a suivi la femme de son frère ainé du comté de Jianli dans le Hubei pour arriver à Yichang. Il a commencé à travailler dans une usine, en gagnant 2 yuans par jour. Puis son frère aîné a utilisé les coupons alimentaires économisés jour après jour pour payer les frais d’une formation permettant à Li Shuangxi d’apprendre à couper les cheveux. Son maître de 71 ans ayant pratiqué toute sa vie, au bout de 4 mois, Shuangxi avait appris le métier. Il a aussi passé 15 jours chez un maitre du Zhejiang pour apprendre à faire des permanentes. Son apprentissage terminé, il a demandé à son deuxième frère de lui prêter 600 yuans afin d’ouvrir son propre ‘salon de Shuangxi’. En 2007, il a dépensé 600.000 yuans pour acheter un espace de 157 m² au 19e étage de la ‘place culturelle’ de son centre-ville, et ouvrir ‘le studio de coiffure de Shuangxi’.
Le studio ne comprend qu’une chaise pour les clients venant se faire coiffer, à côté d’un billard. « Dans le village de mon enfance avant d’arriver à Yichang, les rues étaient pleines de billards. Je veux pouvoir profiter d’un billard quel que soit le moment. Lorsque j’ai décoré mon studio, je n’ai pas voulu mettre des éléments liés à la coiffure. Une fois ce studio terminé, je souhaite que ma femme dirige un autre salon de coiffure, car j’ai l’intention de me consacrer pleinement aux choses qui me tiennent à coeur. »
Un bureau ‘Sagesse’ est le cadeau d’anniversaire que Cai Long s’est lui-même offert pour ses 36 ans. Ce diplômé d’une école de commerce a quitté au bout d’un an un travail tranquille dans les assurances à Changyang pour commencer à vendre des téléviseurs couleurs. Il possède aujourd’hui sept sociétés. Ce bureau rassemble tous ses centres d’intérêt, il y a un home cinema, un studio de photographie, un coin musique etc… il montre ainsi clairement que gagner sa vie n’est pas son seul but dans la vie.
Voyage en vélo
Prendre soin de sa santé et suivre la mode sont deux façons de passer leur temps libre. Profiter de la vie est déjà devenu une norme dans cette classe moyenne qui abandonne progressivement la devise ‘le travail sans répit, les économies plutôt que les dépenses’. En novembre 2005, Huang Zhengchun et sa femme sont partis en vacances à Lijiang, dans le Yunann, où ils ont rencontré un couple qui voyageait en vélo du Yunnan au Tibet. De l’après-midi jusqu’au soir, Huang les a pris en photo pas moins d’un millier de fois de l’autre coté de la route, tombant profondément amoureux de la pratique du cyclisme.
De retour chez lui à Yichang, il a immédiatement rejoint le club cycliste de sa ville ‘les Trois Gorges outdoor’ et est devenu alors avec un autre partenaire le plus ardent cycliste de la ville. En mai de l’année suivante, il est parti en vélo de Chengdu pour aller jusqu’au Tibet par la route Chuanzangchuan, et a atteint le camp de base du mont Chomolungma, le tout en 31 jours. En avril 2009, en partant de Kashi, et en passant par le Tibet, il est allé jusqu’au au Népal, ce qui cette fois lui prit 45 jours, et lui a fait gravir 5.700 mètres pour franchir la chaîne de montagnes Kailasa du plateau tibétain.
Plus de trente ans auparavant, un oncle journaliste responsable des informations de l’armée avait donné au petit Song Bin, alors âgé de huit ans, un appareil photo Seagull 120. A cette époque, un appareil photo était une chose très rare ; pour le petit écolier Song Bin, c’était même un trésor. Tout en étudiant la photographie, il prenait des photos des habitants de son village qu’il échangeait contre des oeufs. Après avoir décroché un premier travail, Song Bin s’est vu offrir par son père un appareil photo Pearl River 135. Pendant une dizaine d’années, sa carrière l’a tenu éloigné des appareils photos. Puis sa réussite de ces dernières années lui a permis de s’adonner à sa passion pour les appareils photos : du 135 mm à la chambre photographique, il en possède une trentaine.