Source :茶周刊 L’Hebdomadaire du thé, le 27 avril 2012
La hausse générale des prix du thé est particulièrement visible au printemps. Durant cette période, des thés aux prix astronomiques ne cessent d’arriver sur le marché. Le thé Longjing du Lac de l’Ouest ne coûte pas moins de 180.000 yuans les 500 g. De façon tout aussi surprenante, un thé célèbre du Henan coûte 130.000 yuans les 500 g. Il y a même le dénommé « thé des excréments de panda » qui a atteint 220.000 yuans les 500 g, ce qui valorise chaque gramme à 440 yuans, un prix plus élevé que l’or. Une enquête poussée révèle qu’en dehors de ces thés particuliers ‘au prix du ciel’ qui attirent l’attention, les thés connus aux prix élevés ne sont vraiment pas rares dans la rue Maliandao [rue des marchands de thé à Pékin]. On y trouve couramment 500 grammes à 2 à 3.000 yuans voire 10.000 yuans. Mais comment cette feuille de thé, qui à l’origine faisait partie des sept produits quotidiens du foyer, a-t-elle pu devenir un tel produit de luxe?
Comme le montre un rapport de l’association chinoise de thés sur la production et la vente des thés du printemps, chaque année le thé augmente du fait de la hausse de coûts variés. Particulièrement cette année, au Yunnan, au Guangxi, les basses températures, la pluie et la neige ont entraîné un retard de certains produits de presque quinze jours. Les marchands et les producteurs de thé ont ainsi dû rapidement mettre la pression sur la cueillette, pour laquelle le prix de la main d’œuvre a augmenté de presque 20 %. Sur cette base, le prix du thé a augmenté généralement de 5 à 10%.
Par exemple, dans un champ où est cultivé le Xinyangmaojian [fameux thé vert de la province du Henan], après la fête de Qingming [au début du printemps], la cueillette est effectuée à grande échelle. Le salaire journalier y est actuellement de 80 yuans environ, alors qu’il y a deux ou trois ans, il ne dépassait pas 50 yuans. Ceux qui chauffent le thé, lors de l’étape suivante de la production, ont vu eux aussi leurs salaires augmenter progressivement, suivant le coût de la vie en hausse ces deux dernières années. Après le chauffage, le processus suivant est le triage du thé, une opération qui consiste à sélectionner les feuilles de thé de qualité supérieure. Le salaire de l’ouvrier chargé de cette tâche est de 70 yuans environ, contre 50 yuans l’année dernière.
« Dans le champ Xinyangmaojian, les températures ont augmenté progressivement, parfois rafraîchies par des petites pluies qui ont favorisé la cueillette de thé. Si les températures montent trop vite, le délai n’est pas suffisant pour la cueillette du thé, explique le directeur de la société Xinyangguojichacheng, Ouyang Daokun. Ces dernières années ont vu beaucoup de développements successifs de production. Or cette année, la cueillette était très importante, et les coûts de production n’ont pas cessé d’augmenter, ce qui est une source de fortes préoccupations chez les producteurs de thé. »
Dans la fabrication du thé, les coûts de la main d’œuvre ne représentent qu’une part des coûts de production. Ils ne sont qu’en partie à l’origine de la hausse du prix du thé – et pas en majeure partie. Du côté de la vente, le prix au détail du thé doit dépendre de critères officiels standards. Or, le discours habituel dans le secteur du thé, c’est que les prix varient suivant la qualité. « Un bon thé est naturellement cher. » Après, sur ce qu’est actuellement un bon thé, le secteur du thé a là aussi son dicton, « c’est celui qui vous convient. » Si on met les deux phrases bout à bout, il est assez peu étonnant que le prix du thé soit une notion assez floue.
Pour le thé Tieguanyin par exemple, « les standards d’évaluation sont plutôt déroutants », comme l’explique Yang Kaiwen, gérant d’une boutique de la rue Maliandao [rue des marchands de thé à Pékin] proposant cette variété de thé depuis plusieurs années. « Donner des explications claires à un client sur ce qu’est un grade est vraiment exténuant, reconnait-il. Pourquoi tel thé correspond à tel grade, tel prix d’un grade de thé est-il vraiment raisonnable? Pourquoi dans la même catégorie y a-t-il des thés chers et des thés abordables? » Yang Kaiwen est souvent interrogé en détail, et la seule réponse qui puisse rapidement le tirer d’embarras est la suivante : « choisissez le thé qui vous convient ».
Fixer un prix nécessite auparavant de définir le grade. Selon les standards en vigueur dans le secteur du thé, il existe bien des méthodes d’évaluation, mais on ne peut pas les appliquer de façon généralisée, car il faut aussi intégrer des éléments comme les saisons, les collines d’origine, les styles différents suivant les circonstances. Les résultats n’aboutissent qu’à une évaluation et à un classement, et le prix fixé selon ces bases ne donne pas d’indications précises sur la qualité du thé.
« Le thé Tieguanyin actuel n’a pas encore de classification correspondante à un standard opérationnel, poursuit Yang Kaiwen. Dans la zone de production du Fujian, à Anxi, les marchands vont voir les producteurs de thé pour s’approvisionner, et là non plus il n’y a pas de standards stricts d’évaluation. Il existe beaucoup de grades sur le marché, les standards sont en grande partie définis par le marchand lui-même, chaque marchand ayant ses propres critères. Bien sûr, des marchands différents signifient des catégories différentes et évidemment, des prix différents. »
Contrairement au thé Tieguanyin, le thé Pu’er voit ses prix contrôlés dans les usines de production. « Les standards d’évaluation du thé Pu’er semblent assez exhaustifs. Un lot de théà la qualité constante se verra attribuer le même grade, et la fixation du prix est alors assez aisée», précise Chang Hao, collectionneur de thés Pu’er depuis de nombreuses années. Mais le thé Pu’er présente aussi des caractéristiques distinctes qui peuvent facilement brouiller les cartes. Par exemple, pour une galette de thé Dayi de 70 ans d’âge, « la production est limitée donc les magasins près des usines ou les marchands de thé n’ont pas nécessairement de stocks disponibles. Dans la plupart des cas, il s’agit de vente aux collectionneurs, et la fixation du prix se fait à la tête du client. Le marchand évalue juste le seuil psychologique au delà duquel les soi-disant experts en thés ne sont plus prêts à payer. Une galette initialement à 100 yuans peut ainsi trouver acheteur à 500 voire plusieurs milliers de yuans. » Chang Hao l’affirme, « le prix du thé ne découle pas d’un calcul rigoureux, mais dépend juste de l’audace du marchand. »
La hausse des prix liée aux coûts et à la qualité du thé n’est rien comparée à la flambée des prix des ‘thés concept’ et des thés à offrir. Le ‘TouguoCha’, par exemple, est bien davantage un signe extérieur de richesse que les traditionnels ‘MingqianCha’ et ‘YuqianCha’. Dernièrement, le prix de vente du ‘Longjing TouguoCha’ a atteint à Pékin 9.800 yuans les 500 g – de plus, la demande excède l’offre car les boutiques ont rapidement été en rupture de stocks.
Comme le déplore le vice-président de l’association chinoise de distribution des thés Wang Qing, « à l’évidence, avec certains prix élevés se pose le problème du rapport qualité/prix. Ce ne sont pas des thés dégustés par des amateurs de thé. Les prix astronomiques de ces nouveaux thés n’ont aucun rapport avec une quelconque valorisation, mais sont assurément liés à des modes de consommation parallèles anormaux. »
Dès leur apparition, ces thés à prix élevés et leur dégustation prestigieuse ont fait rêver les consommateurs. Mais parmi les acheteurs de ces thés, combien se les offrent pour les consommer eux-mêmes? Boire du thé sans acheter, acheter du thé sans le boire, cela devient presque un critère de statut social. Signalant les personnalités en vue, les consommateurs de luxe, il ne concerne pas les foules et n’a aucune chance d’évoluer en grande tendance de consommation.
Un employé d’une boutique spécialisée du Wuyuan [province du Jiangxi] vit ce type d’expérience avec la clientèle: « Quand on leur dit qu’un thé est à 800 yuans les 500 g, certains clients penseront que ce n’est pas du haut de gamme et ne l’examineront même pas. S’ils apprennent en revanche que ce même thé est à 8000 yuans les 500 g, ils changeront immédiatement d’attitude et s’empresseront de le goûter. ‘Un thé onéreux est un bon thé‘, telle est la croyance en vogue parmi de nombreux acheteurs de thés haut de gamme. Un prix élevé constitue sans aucun doute une émulation psychologique pour l’acheteur, cela valorise le produit et lui fait penser qu’il ne peut absolument pas être déçu par la qualité. »
Certains marchands âpres au gain sondent l’état d’esprit des clients. Ils les trompent sur la marchandise en faisant passer des thés de qualité moyenne voire basse pour des thés haut de gamme, et suivent les tendances de consommation pointues pour en faire des best-sellers. Ainsi l’industrie du thé n’a pas lésiné en publicité pour les thés très chers, pensant à tort qu’elle pourrait de cette façon tirer parti de l’engouement pour le thé comme marqueur social. Mais peu imaginaient que cela ne provoquerait que des soupirs chez les consommateurs courants, ceux qui boivent le thé en discutant après le repas et n’ont absolument pas le pouvoir d’achat suffisant pour s’offrir ces fameux thés locaux.
Par ailleurs, certains produits aux prix astronomiques sont souvent proposés dans des coffrets, véritables objets-cadeaux en eux-mêmes. ‘Les thés chers sont principalement des thés à offrir.’ Les thés haut de gamme sont souvent proposés par les magasins de thé pour entretenir leur image de marque, tout en étant vendus en tant que cadeaux – encore mieux, dans des coffrets de prix, un HuangHuaLi [coffret en poirier] ou un pot en cloisonné, par exemple, qui représentent une grande partie du coût.
« La généralisation de la concurrence, les bons vendeurs se mêlant aux mauvais, le manque de marques fortes, les graves déficiences des plates-formes de vente en ligne, une difficultéà opérer à grande échelle sont les difficultés actuelles de l’industrie du thé « , détaille Wang Qing. Concernant le marché du thé, il estime même que 60% des magasins de thé font semblant de bien connaître les produits, quand 80 % des consommateurs de thé sont peu avertis. Selon lui, lorsque les deux parties se trouvent en présence, la vente de thé devient un vrai marché de dupes.
Comme le décrit une personnalité du secteur, le secteur chinois du thé est en forme d’haltère: grande capacité de production, grand marché de consommation, faible lien entre les deux – la circulation des produits n’est pas fluide. En 2006, selon les statistiques du centre national de recherche et de développement (même si elles remontent déjà cinq à six ans, peu de choses ont changé), la plantation et la production de thé en Chine représentaient 32 milliards de yuans, et le marché de consommation finale atteignait 100 milliards de yuans. Entre les deux, le fosséétait presque de 70 milliards de yuans.
Cela signifie-t-il que vendre du thé est particulièrement rentable ? Rien n’est moins sûr. « Le problème, c’est qu’il y a trop de circuits de distribution, sans véritable envergure, et à l’efficacité réduite, poursuit Wang Qing. Si l’on peut diminuer les frais de distribution, le producteur de thé en amont pourrait gagner plus et le consommateur final dépenser moins. Ceux qui récoltent de thé seraient plus motivés, ils pourraient consciencieusement et tranquillement cultiver du thé sans avoir besoin de changer de région pour trouver du travail; les consommateurs pourraient acheter en connaissance de cause, tout en dépensant moins et en améliorant leur compréhension de l’offre. La production et la consommation de thé pourraient enfin entrer dans un cercle vertueux. »
Pour Ouyang Daokun, ce qui est actuellement à la charge d’un consommateur de thé inclut la sélection du thé, l’achat du thé, le stockage, l’infusion etc… – soit au total un coût prohibitif. Selon lui, il faut mettre en place une chaîne industrielle du thé bien structurée pour finalement améliorer l’efficacité opérationnelle de la production du thé dans son ensemble. Les habitudes de production du thé doivent être modifiées dès le début de la chaîne de production. La modernisation des méthodes de vente doit commencer par une analyse des tendances actuelles de consommation. Si l’industrie procède à un auto-examen minutieux, elle trouvera des opportunités de marché, et s’apercevra que la création de marques est la seule solution. Promouvoir les thés concept à prix astronomiques n’est absolument pas favorable au développement sain du marché du thé – c’est même autodestructeur. Davantage d’énergie devrait être consacrée à la montée en gamme de toute l’industrie et à l’amélioration de la qualité.
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