Source : 北辰网 Beijing Morning Post, le 6 septembre 2012
Gao Jifan est glacé jusqu’aux os. Avant-hier soir, il affirmait encore aux journalistes : « jusqu’au dernier moment, nous allons faire le maximum pour éviter toute procédure. » Mais hier une décision de l’Union européenne a fait s’envoler tous ses espoirs.
Le 7 septembre 2012, l’Union européenne a déclaré l’ouverture d’une enquête antidumping sur les cellules photovoltaïques chinoises. Des centaines d’entreprises du pays sont concernées, impliquant plus de 20 milliards de US$. Cette procédure antidumping « à la manière forte » de l’Union européenne provoque le plus grand différend commercial jamais apparu entre la Chine et l’Union européenne. Dans l’histoire chinoise, jamais un conflit commercial n’avait mis en jeu autant de capitaux financiers.
A la tête de Trina Solar, l’un des quatre géants chinois du solaire, Gao Jifan déclare qu’il « s’attend au pire ».
Du protectionnisme flagrant, selon la Chine
Le 24 juillet, le groupe allemand SolarWorld avait déposé une demande d’enquête antidumping auprès de l’Union européenne. Le 6 septembre, la date limite, aucun miracle n’était arrivé, comme la levée, tant espérée par la filière, de la massue européenne. Le porte-parole du département du commerce Shen Danyang a alors annoncé que bien que la partie chinoise ait de nombreuses fois appelé à la résolution du conflit commercial par la négociation, l’Union européenne était déterminée àlancer une enquête. « La Chine exprime son profond regret », a affirmé Shen Danyang.
Selon lui, restreindre la production de la filière photovoltaïque chinoise est non seulement contraire aux intérêts de la filière tant en Chine qu’en Europe, mais constitue aussi un frein au développement sain de l’industrie du photovoltaïque et des énergies propres. La Chine avait pourtant appelé à une résolution du conflit par la consultation et la coopération.
L’ensemble des fabricants de produits photovoltaïques chinois s’oppose à l’initiative de l’Union européenne. La Chambre de commerce chinoise de l’import-export de produits générateurs d’énergie a déclaré hier que les tentatives de SolarWorld de tirer parti des mesures commerciales d’urgence en vue de développer son monopole sur le marché étaient purement et simplement du protectionnisme, et que l’industrie photovoltaïque chinoise allait répliquer avec force.
Yingli Solar, l’un des quatre géants du solaire, a également appelé à ce que l’Union européenne mette fin à son attitude protectionniste. Le président du groupe, Miao Liansheng a declaré qu’il allait coopérer étroitement avec la commission d’enquête de l’Union européenne et prouver que la filière chinoise du photovoltaïque ne pratique aucun dumping en Europe. L’Union européenne peut choisir 5 voire 6 entreprises afin qu’elles répondent aux accusations. De toute urgence, les sociétés et les associations concernées se sont réunies hier à huis clos pour discuter de la mise en place de contre-mesures.
La filière chinoise du photovoltaïque durement touchée
Pour Gao Jifen, ces deux derniers jours ont été très éprouvants. Le 4 septembre, il s’est précipité à Pékin pour participer à une réunion sur le sujet organisée par la Commission du Commerce, mais celle-ci a été reportée. Le 4 septembre au soir, l’Institut chinois des énergies renouvelables a convoqué une réunion d’urgence, pour préparer une riposte à l’enquête antidumping européenne.
Le résultat des discussions a été communiqué le deuxième jour de la 12e édition de la Conférence sur le photovoltaïque et du Salon international du photovoltaïque (CPVC12), sous la forme d’une proposition écrite. Signé de nombreuses sociétés présentes, le rapport intitulé « Proposition de l’industrie photovoltaïque chinoise destinée aux dirigeants chinois et allemands, en vue d’aboutir à un consensus dans le règlement du différend commercial », exprimait de manière fervente leur compréhension des difficultés de leurs homologues européens.
La situation est d’une gravité sans précédent. Déjà, deux mois auparavant, l’industrie photovoltaïque du pays était, selon les rumeurs, sous haute tension. Récemment, la visite en Chine de la chancelière allemande Angela Merkel lui avait pourtant donné quelque espoir. Mais la médiation de l’Allemagne n’a pu à l’évidence arrêter l’action de l’Union européenne.
Bien que 15 mois séparent le lancement de l’enquête de l’annonce des premiers résultats, les experts observent déjà des signes de stagnation significative du marché international. Actuellement premier marchémondial des produits photovoltaïques, l’Europe est également un marchéd’exportation majeur pour la Chine. L’imposition de droits de douane antidumping vers l’Union européenne aura un impact massif sur la filière photovoltaïque chinoise. Un grand nombre de faillites d’entreprises sont à craindre, et environ 300.000 salariés pourraient être touchés.
L’hiver pourrait durer trois à cinq ans
Sous le coup de procédures antidumping aux États Unis et en Europe, la filière photovoltaïque chinoise entre ainsi dans le creux de l’hiver.
Le 5 septembre a donc été ouvert à Pékin la 12e édition de la Conférence sur le photovoltaïque et du Salon international du photovoltaïque. Prévu à l’origine dans quatre halls, le salon n’occupait finalement que deux halls. Et ils étaient déjà vides avant 16h.
« La superficie est de plus en plus réduite, il y a de moins en moins de personnes, les produits manquent d’innovation », déplore M.Ye, venu spécialement de la province du Hebei pour exposer au Salon. Selon lui, les mesures prises par l’Union européenne et les États Unis sont plus lourdes de conséquences que la crise financière de 2009.
Mais un intervenant du secteur estime que cette guerre commerciale devait arriver tôt ou tard, l’industrie photovoltaïque chinoise progressant à pas de géants sur le marché mondial ces dernières années. Depuis 2010, les États Unis ont mené 301 enquêtes contre l’industrie photovoltaïque chinoise : les signes avant-coureurs étaient donc bien visibles.
La situation pourrait être encore pire que celle résultant des initiatives prises par les Etats Unis. Certains experts prévoient que les taxes pourraient être supérieures aux premières mesures américaines. En octobre dernier, 7 entreprises américaines de photovoltaïque ont sollicité des enquêtes antidumping auprès du département du commerce américain, et le 5 mai dernier, les premières mesures des États Unis ont été d’imposer des droits de douane antidumping allant de 31,14 % à 249,96 % aux sociétés chinoises concernées.
Au premier semestre, les résultats de nombreuses sociétés chinoises n’ont pas été bons sur le marché américain. Mais cette fois le lancement de la procédure antidumping en Europe sera sans aucun doute la cerise sur le gâteau. Daqo, Suntech, courent le risque de quitter la bourse, et selon certaines informations, des sociétés auraient déjà entamé des procédures de retrait.
Gao Jifan décrit la totalité de la filière comme « s’enfonçant dans un bourbier ». Selon lui, l’hiver peut durer de trois à cinq ans, et il faut se préparer à une guerre d’usure.
史上最大贸易争端来了