La Commission nationale chinoise de la santé et du planning familial vient d’annoncer qu’il était désormais permis aux investisseurs étrangers d’ouvrir leurs propres hôpitaux à Pékin, Tianjin, Shanghai, dans les provinces du Jiangsu, du Fujian, du Guangdong et du Hainan, via une création d’entreprises, une fusion ou une acquisition.
Ce projet pilote est perçu comme le signe d’une ouverture progressive du marché médical. Restent les questions suivantes : comment les hôpitaux étrangers peuvent-ils s’installer et se développer sans difficultés en Chine ? Comment améliorer la qualité des services médicaux, stimuler les hôpitaux publics et accélérer le rythme de leurs innovations ?
Un positionnement haut de gamme
D’après les réponses reçues lors d’un micro-trottoir, les hôpitaux étrangers sont attendus avec impatience, car ils impliquent la possibilité de « voir arriver des médecins étrangers de haut niveau », « raccourcir le temps d’attente, améliorer l’attitude du personnel pendant les services médicaux, rendre le prix des consultations plus raisonnable », ainsi que « créer une concurrence avec les hôpitaux publics et mater leur arrogance ».
Mais pour beaucoup, les hôpitaux étrangers évoquent une hausse des prix. Leur positionnement est-il bien sur le haut de gamme ?
Selon le vice-secrétaire de l’association des hôpitaux de Chine, Zhuang Yiqiang, le rôle des hôpitaux étrangers dans le système de santé chinois est additionnel. Ils ne devraient pas prendre une grande place dans le marché médical dans son ensemble. Une personnalité du secteur ajoute que les services des hôpitaux étrangers ciblent deux catégories : les étrangers qui vivent et travaillent en Chine, ainsi que les personnes à hauts revenus en Chine.
Fondé en 1996, l’hôpital de Pékin Hemujia est classé parmi les premières structures hospitalières sino-étrangères. Son président, Zhong Ying, déclare qu’actuellement ce qui manque le plus dans le système hospitalier chinois par rapport au modèle avancé à l’international, c’est l’expérience en matière de management d’institutions médicales, des modèles de gestion et de prestation de services, ainsi que des technologies médicales, des équipements avancés et autres ressources.
Peu de couverture sociale
Selon la Commission nationale chinoise de la santé et du planning familial, il n’existe aujourd’hui en Chine que deux hôpitaux d’origine non chinoise du continent, qui sont respectivement le Shanghai Landseed International Hospital, financé par Taïwan, et le Dennis Lam Eye Hospital, à Shenzhen, de capitaux hongkongais.
Les personnes qui ont expérimenté ces établissements résument en trois catégories les défis à relever : l’assurance santé, le personnel médical ainsi que les médicaments et équipement hospitaliers.
Ouvert en 2002, le Shanghai Landseed International Hospital est un « hôpital étranger » reconnu. Selon un résident de Shanghai, l’environnement et les services de l’hôpital sont de bon niveau, mais les consultations n’étant pas couvertes par l’assurance santé, « l’hôpital n’est pas fait pour le tout venant, mais pour ceux qui ont les moyens. »
Cette absence de couverture santé explique principalement que le nombre de consultations au Shanghai Landseed International Hospital n’est pas élevé. Son président Zhang Huanzhen indique qu’alors que l’hôpital peut recevoir 800 à 1.000 patients par jour, il n’en prend réellement en charge que 300 à 400.
Les hôpitaux étrangers couverts par l’assurance santé ont moins de difficultés à attirer les patients. Ouvert en mars 2013 par l’ophtalmologiste hongkongais réputé Dennis Lam, le Shenzhen Dennis Lam Eye Hospital fait payer les frais d’inscription, de l’examen de base, de diagnostic et de traitement 150 yuans si l’ensemble des soins est effectué par un médecin chinois, contre 300, 500 voire 800 yuans par un médecin étranger – un prix qu’un grand nombre de patients trouvent très élevé.
Lourdes formalités administratives
Concernant le personnel soignant, Rainer Salfeld, le fondateur du groupe allemand Artemed explique que selon la directive officielle des autorités chinoises, les médecins étrangers ne peuvent pas intervenir en Chine plus d’une année pour les diagnostics et les traitements médicaux. Si ce délai d’un an doit être étendu, il faut à nouveau s’inscrire. Et le personnel médical – médecins et infirmiers – doit être soumis à un test.
Les médicaments, les équipements et installations et autres ressources en provenance de Hong Kong, Macao et Taiwan et de l’étranger doivent recevoir l’approbation des autorités sanitaires chinoises. Dennis Lam estime que les autorités compétentes devraient faire bénéficier certains traitements de pointe ou urgents d’une procédure simplifiée. Il explique que pour le traitement ophtalmologique de transplantation de la cornée, par exemple, les formalités d’importation sont nombreuses et doivent passer plusieurs échelons administratifs. Or, le temps de conservation des cornées à transplanter n’est que de quelques jours, ce qui rend l’attente impossible.
Segmentation à venir
Un rapport officiel estime que d’ici 2020, le marché chinois des services de santé dépassera les 8.000 milliards de yuans.
Face à cette énorme demande, les moyens médicaux de la société chinoise sont limités. Selon les chiffres publiés par le ministère de la santé, les établissements médicaux hors du système public représentent en nombre 47 % du total, et les lits d’hôpitaux seulement 11%. En 2015, les lits d’hôpitaux et les services hors du système public atteindront 20 % environ.
Alors que les politiques de restriction envers les établissements de santé à capitaux étrangers ne cessent de se détendre, ces dernières années ont vu se multiplier les créations de structures médicales en coopération ou en joint-venture. C’est ainsi que les ministères de la santé et du commerce se sont joints pour émettre ce projet pilote permettant l’implantation d’hôpitaux à capitaux étrangers.