CRRC veut creuser son sillon dans la mobilité verte

CRRC, InnoTrans

Les réseaux ferroviaires et urbains chinois se sont beaucoup densifiés depuis le début des années 2000. Le constructeur national de trains CRRC (中国中车) veut s’émanciper de ses concurrents occidentaux et se différencier avec de nouveaux matériaux tels que la fibre de carbone.

Lors du dernier salon INNOTRANS à Berlin, en Allemagne, CRRC Qingdao Sifang (中车青岛四方), une filiale du géant chinois de matériel roulant CRRC, a créé l’événement avec son métro en fibre de carbone, baptisé CETROVO.

Selon Ding Sansan, ingénieur en chef adjoint chez CRRC Sifang, ce « métro nouvelle génération » adopte la technologie avancée de la fibre de carbone : la carrosserie, le châssis de bogie, la cabine du conducteur, l’armoire d’équipement et le corps d’équipement sont tous fabriqués en fibre de carbone. C’est un véhicule qui utilise à grande échelle des matériaux composites en fibre de carbone. En particulier, des difficultés techniques cruciales dans la conception structurale et le moulage de grandes pièces de fibres de carbone complexes ont été résolues.

En termes de poids, Ding Sansan souligne que ce métro en fibre de carbone est beaucoup plus léger que ceux utilisant des matériaux métalliques traditionnels tels que l’acier et l’alliage d’aluminium. L’allègement est de 30 % pour la carrosserie, la cabine du conducteur et l’armoire d’équipement et de 40 % pour le châssis de bogie. Au total, le véhicule gagne 13% en légèreté.

Les solutions « IHC » d’Alstom

« Le composite, qu’il soit en fibre de carbone ou de verre génère un surcoût important car il s’agit d’une matière chère et complexe à mettre en œuvre. Par exemple dans l’aéronautique, Airbus, qui a recours à ces matériaux, s’est arrêtée à un pourcentage de l’ordre de 50% de composites du fait du coût très important que cela représente », argumente Bernard Tritz, directeur du centre d’excellence Car bodyshells chez Alstom.

La multinationale française est présente depuis plusieurs décennies en Chine, où elle opère au sein de six joint-ventures et participe à un grand nombre de projets ferroviaires, dont une gamme complète de matériel roulant (véhicules de métro, trains à grande vitesse, locomotives et tramways), des services personnalisés, des infrastructures et des solutions de signalisation.

Bernard Tritz explique que Alstom s’intéresse à l’intégration de matériaux composites depuis près de 20 ans ; des études et des programmes sur la construction d’éléments structurels ou de véhicules complets en composites ont été menés. En 2011, une voiture de métro a été étudiée et construite par un consortium avec d’autres industriels (EADS, Stratiforme Industrie, …) et des laboratoires d’essais. Cette voiture a été testée en statique à poste fixe et localement en « fatigue».

Des mix de fibres de verre et fibres de carbone ont été utilisés pour constituer la structure de la voiture. Outre cette expérience sur une caisse de métro, Alstom a réalisé des tests sur des extrémités de caisse de TGV installées sur des voitures d’essais, ainsi que sur une traverse pivot et sur un châssis de bogie.

« Fort de cette expérience, notre stratégie concernant la partie structurelle des trains ne privilégie pas le tout-composite car le taux d’échange (coût du Kg de gagné) est trop élevé mais est en faveur d’un mix optimisé de différents matériaux », précise Bernard Tritz.

Ces retours d’expérience ont conduit Alstom à s’orienter plutôt sur des concepts multi-matériaux à fonctions intégrées qui ont pour objectif de réduire la masse à isocoût versus les designs actuels. Ces concepts se concrétisent au travers des solutions « IHC » (Integrated Hybrid Concept). Il s’agit d’utiliser les bons matériaux aux bons endroits. Ces matériaux pouvant être du bois, des mousses, de la fibre de carbone, du métallique, …L’utilisation combinée de ces matériaux permet non seulement de satisfaire les requis structurels mais également d’autres tel que l’isolation par exemple. C’est la notion de fonctions intégrées.

« Le recours à aux solutions IHC offre de la valeur aux clients et des avantages pour les passagers. La masse gagnée peut-être valorisée pour le client. Grâce à ce gain, le train consommera moins d’énergie, ses roues s’useront moins rapidement, ou encore l’impact sur l’infrastructure de l’opérateur sera amoindri », conclut Bernard Tritz.

CRRC : plus de 15% d’économie d’énergie

De son côté, CRRC estime que le CETROVO peut au total économiser plus de 15% d’énergie. « Bien que le coût de fabrication des fibres de carbone soit plus élevé que celui des matériaux métalliques traditionnels, les premiers sont beaucoup plus légers et présentent des avantages évidents d’économie d’énergie. Ils enregistrent également d’excellentes performances en termes de résistance à la fatigue, d’adaptation aux différentes conditions météorologiques et de résistance à la corrosion. Le véhicule pourra ainsi limiter la fatigue et les défaillances de corrosion au cours de sa durée de vie de 30 ans. De même, les travaux d’entretien sont réduits et le coût total du cycle de vie est diminué », souligne Ding Sansan, qui ajoute qu’un véhicule plus léger réduit également les dommages infligés à la ligne de métro.

Toutefois, reprend Bernard Tritz, d’autres paramètres doivent être pris en compte. « Alstom s’attache également à améliorer l’acoustique à bord des trains pour le confort des passagers. Outre son coût élevé, le composite ne dispose pas de très bonnes propriétés d’isolation acoustique. Pour compenser cette perte de performance, un constructeur ayant recours au 100% composite doit ajouter des éléments isolants, ce qui rajoute du coût et de la masse. »

Un confort coûteux et des services intelligents

CRRC CETROVO
Au salon Innotrans de Berlin, les visiteurs ont découvert la technologie tactile au sein du CETROVO. Crédit photo : CRRC

A l’évidence, CRRC n’a pas lésiné sur les moyens pour son CETROVO, qui incorpore une technologie de réduction des vibrations et du bruit.

« Quand un véhicule de métro est en marche, il vibrera en raison de l’irrégularité de la voie, et la vibration devrait être réduite par le système de suspension sur le bogie. Le CETROVO est conçu pour la première fois avec un système de suspension plein-actif : toute vibration du véhicule en marche est immédiatement détectée et l’action d’amortissement du système de suspension est déclenchée. D’où une grande qualité de conduite », dit Ding Sansan, qui précise que « l’atmosphère est plus silencieuse à l’intérieur du véhicule : le niveau sonore dans l’habitacle atteint seulement 68 dB lorsque le véhicule est en marche. »

Le métro en fibre de carbone du CRRC est également équipé de services intelligents. L’habitacle est comme un ordinateur à écran tactile. La fenêtre de la voiture agit comme un super écran tactile pouvant fournir divers graphiques, textes et vidéos. Les passagers peuvent y regarder les informations, naviguer sur le web, acheter des billets, regarder des vidéos et des émissions de télévision en direct. Les miroirs dans le compartiment sont également dotés de technologies tactiles et offrent l’accès Internet.

Les climatiseurs installés dans les compartiments ajustent le niveau de température et d’humidité en fonction de la météo extérieure. De même, le système d’éclairage fixe automatiquement la luminosité et la température de couleur. Des écrans courbes multimédias, des sièges auto-nettoyants et des systèmes d’aide auditive pour les passagers malentendants sont également fournis. Tous ces services intelligents visent à apporter une nouvelle expérience de voyage aux passagers.

A en juger par les réactions de la presse occidentale, le géant chinois a réussi à impressionner à Berlin et à donner une idée claire de ses ambitions internationales. Selon la chaîne étatique CGTN (China Global Television Network), avec ses trains à grande vitesse, ses métros et ses véhicules urbains, CCRR Qingdao Sifang cible désormais les marchés d’outre-mer tels que l’Asie du sud-est, les Etats-Unis et l’Amérique du sud. Achevée début 2019, la fusion entre Alstom et l’allemand Siemens devrait créer un groupe de taille à lui résister.

 

Cet article a été commandé et publié par JEC Group