La vente en libre-service et dans un cadre arty de cosmétiques en petits formats. Tel est le concept de départ de l’enseigne chinoise Harmay (話梅), qui vient de lever 200 millions de dollars de financement auprès d’investisseurs, dont la société américaine de capital-développement General Atlantic.
Offrant des petits formats de marques chinoises et internationales à moins de 100 yuans (14 euros), Harmay a ouvert son premier magasin en 2017. Avec une équipe de conception architecturale en interne, elle détient maintenant neuf boutiques à travers la Chine avec plus de 400 employés.
Expérience immersive
« La principale raison pour laquelle les investisseurs s’intéressent à Harmay, c’est que l’enseigne semble avoir la recette pour attirer les consommateurs et en particulier la génération Z, née autour des années 2000 », explique Juliette Duveau, cofondatrice de l’agence de conseil The Chinese Pulse. Elle précise que « les échantillons représentent une grande partie des ventes totales », mais que « certains consommateurs recherchent les tailles normales chez Harmay car c’est une destination de shopping pratique qui leur permet de collecter tous les produits qu’ils veulent, et ils paieront également pour leur expérience immersive et cool à partager ».
La marque fait tout pour favoriser le relais sur les réseaux sociaux d’un passage en magasin conçu pour être le plus mémorable possible. Chaque magasin Harmay déploie un univers propre, à la fois esthétique, artistique et convivial, où les acheteurs peuvent aller à leur guise (aucune vendeuse pour les assister) et même se restaurer. « Harmay propose un espace café au rez-de-chaussée de son magasin de Shanghai sur Anfu Road, et la société vient de créer sa propre marque de boisson @introlemons en 2022 », ajoute Juliette Duveau.
Les magasins Harmay sont aussi des lieux d’art contemporain. « En plus d’organiser des expositions avec des artistes, Harmay a également officiellement lancé un plan de soutien aux artistes émergents. Les expositions en elles-mêmes ne visent pas à générer des ventes directes, mais les acheteurs sont plus disposés à se rendre et à consommer dans des espaces à l’identité esthétique forte », analyse Juliette Duveau.
L’enseigne indique qu’elle utilisera les fonds levés pour se développer dans de nouvelles catégories ; renforcer sa présence numérique avec sa propre application ; élargir son portefeuille de marques ; et ouvrir des magasins à Wuhan, Canton et Shenzhen. En novembre dernier, Harmay a acquis la marque de maquillage américaine Kevyn Aucoin.
Harmay se distingue aussi par ses nombreux partenariats et événements avec des marques pointues, à l’instar de Maison Margiela ou de la marque japonaise de cosmétiques haut de gamme BAUM, « car la jeune génération chinoise veut découvrir plus de marques de niches », indique Juliette Duveau.
Economie de l’échantillon et nouvelle consommation
Dernièrement, Harmay a conclu un partenariat avec l’entreprise suisse de création de fragrances et d’arômes Firmenich, s’affirmant ainsi sur le marché des parfums actuellement en plein essor en Chine. Selon les données d’Euromonitor, le taux de croissance annuel du marché chinois des parfums devrait passer à 22,5 % au cours des cinq prochaines années. D’ici 2025, les ventes de parfums en Chine devraient atteindre 4,7 milliards de dollars.
« Cet accord a du sens car la Chine s’apprête à devenir le deuxième marché mondial des parfums », souligne Juliette Duveau. « Les jeunes consommateurs chinois changent et évoluent rapidement. Harmay possède une riche connaissance du marché local de la beauté et des préférences des jeunes consommateurs en termes de style de vie et d’habitudes d’achat. Cette compétence peut aider Firmenich à s’adapter intelligemment aux consommateurs d’aujourd’hui ».
La presse chinoise note l’émergence de cette « économie de l’échantillon », symptomatique d’un changement de mode de consommation de cosmétiques chez les jeunes. Mais elle souligne l’absence de régulation de ce marché, alors que des questions se posent sur la provenance des échantillons et leur authenticité. Harmay notamment est pointée du doigt pour ne pas donner d’informations précises sur sa chaîne d’approvisionnement.
« Les détracteurs d’Harmay s’appuient principalement sur son modèle économique initial, qui peut être considéré comme une sorte de marché ‘gris’ basé sur la vente en ligne d’échantillons de marques ou sur la distribution de certains produits de marques internationales de manière pas toujours ‘officielle’ », décrypte Juliette Duveau. L’experte estime toutefois que « le basculement opéré ces derniers mois par Harmay vers une extension immersive et conceptuelle du retail en Chine contribue à changer cette image ».
Cet article a été commandé et publié par Premium Beauty News.