La récente prise de participation minoritaire de L’Oréal dans la jeune société chinoise de parfums haut de gamme Documents (闻献) confirme l’intérêt porté au développement de cette catégorie sur le marché chinois. Fin 2021, Puig a pris une participation dans Scent Library (气味图书馆) et Firmenich a signé un partenariat stratégique avec Harmay (话梅), une nouvelle marque de retail. L’objectif est de « soutenir le développement de nouvelles marques de parfum, de nouveaux concepts, de nouvelles expériences et de nouveaux modèles ». Puis en juin dernier, Firmenich a signé un autre partenariat stratégique avec Scentrealm (气味王国), une société de technologies numériques liées aux parfums.
L’Oréal a porté son choix sur Documents, mais d’autres jeunes sociétés telles que To Summer (观夏) ou Beast (野兽派) sont également très actives sur le marché chinois du parfum. « Ces deux sociétés se développent très rapidement, particulièrement To Summer dont la croissance est phénoménale ! Leurs investisseurs ont suffisamment de fonds pour financer leur développement, donc pour l’instant, ils ne pensent pas à vendre leurs parts », estime David Huang (黄赣军), nez et directeur technique à la tête d’une équipe créative de 12 personnes chez Robertet Chine, la filiale de la société française de produits aromatiques naturels qui a ouvert une usine en 2007 à Huairou, dans la banlieue de Pékin, moyennant 65 million de yuans. Un investissement qui se poursuit et a presque doublé depuis, précise David Huang, natif de la province du Henan et formé à l’ISIPCA de Versailles.
Le renouveau d’une tradition millénaire
Selon lui, la communication entre la Chine et les autres pays dans les domaines des senteurs favorise la renaissance de la culture du parfum. Vivace jusqu’au 13e siècle, elle a disparu avec les turbulences qui ont enseveli une partie du patrimoine chinois. On en trouve les premières traces il y a plus de deux mille ans quand les parfums de rose et de jasmin ont été introduits par les Arabes. Puis la Chine a développé des senteurs locales telles que l’encens d’osmanthus, évoluant en signature olfactive pendant des siècles.
David Huang assure que la spécificité chinoise est à nouveau d’actualité dans le monde du parfum. La culture chinoise a une influence substantielle sur les parfumeurs, qui choisissent des plantes telles que le thé, l’osmanthus et le bambou comme source d’inspiration. Il vient par exemple de créer pour la société To Summer le parfum Hangzhou Sweet en utilisant de l’osmanthus, du haricot mungo et du thé vert longjing. Et sur le segment dynamique des parfums d’ambiance, la marque Beast vient de lancer en collaboration avec l’hôtel de luxe Capella Shanghai une ligne baptisée Santal Trouble au sillage de bois de santal.
Fonction psychologique et sociale
Par rapport aux marchés européens et américains, les consommateurs chinois préfèrent des notes élégantes, légères et subtiles, mais pas trop sucrées, poursuit David Huang. En plus de cela, insiste-t-il, ils attendent d’un parfum d’autres fonctions que la senteur. Outre l’originalité pouvant être conférée par un produit de niche, il doit agir positivement sur l’humeur au quotidien et améliorer le statut au travail en distillant des arômes rafraîchissants.
Encore parmi les plus vendues en Chine, certaines marques internationales ont intégré la culture locale dans la conception de parfums, à l’instar de Privé Pivoine Suzhou d’Armani et Oolang d’Atelier Cologne. David Huang salue « ces efforts sincères pour le marché intérieur qui comprennent une réflexion unique sur des éléments chinois locaux. Nous pensons que l’élargissement du marché chinois du parfum par les marques internationales n’en est qu’à ses débuts ».
Croissance à deux chiffres
La concurrence locale est en pleine ébullition avec près de 2.000 sociétés de senteurs chinoises recensées par l’institut Qichacha. Outre celles mentionnées plus haut, David Huang distingue au sein de cette profusion des sociétés comme Re Classified (调香室) , Aynoir, Plustwo (普拉斯兔), Barrio (巴莉奥), SIT.E, Atypic Edition (返常), Reflower (花点时间), Meet House (香遇沙龙香水), Futchi, etc.
Elles arrivent sur un marché qui, selon les dernières données d’Euromonitor, devrait afficher un taux de croissance de 22,5% au cours des cinq prochaines années (contre 7% pour le marché mondial). D’ici 2025, les ventes au détail du marché chinois des parfums devraient atteindre 30 milliards de yuans. Actuellement, selon iResearch Consulting Group, les femmes de revenus moyens à supérieurs représentent plus de 80% des consommateurs chinois de parfums, avec un prix unitaire d’achat allant de 500 à 800 yuans (EUR 68 à EUR 108). Ce qui fait dire à certains commentateurs que la Chine est passée d’une économie pré-Covid centrée sur le rouge-à-lèvres à une économie privilégiant maintenant le parfum.
Cet article a été commandé et publié par Premium Beauty News.