Source : 产经周刊 Chanjing Zhoukan, le 15 avril 2014
Encore un rachat. Le groupe Anheuser-Busch vient de vient de recevoir l’approbation des autorités anti-trust pour acquérir le brasseur chinois Jinshibai [Ginsber] de Siping dans la province du Jilin [nord-est de la Chine]. Un autre choc pour le secteur de la bière chinoise, car cet accord est loin d’être une première. Beaucoup de brasseurs étrangers ont déjà mis un pied en Chine, que ce soit par des acquisitions ou en implantant une usine. Anheuser-Busch est en effet loin d’être le seul : Carlsberg, Heineken et le groupe sud-africain de bières SABMiller n’ont pas cessé ces dernières années de jeter leur dévolu sur des bières nationales.
Parallèlement à ces investissements étrangers coulant à flot en Chine, les ventes de bières importées mettent constamment les brasseurs nationaux sous pression. Selon la Chambre de commerce des importations d’alcools et spiritueux, en 2013, les importations de bière ont atteint 18 millions de litres, en hausse de 65 % par rapport à l’année précédente. Soit des ventes de 232 millions de US$, en progression de 60 %.
Après des années de bataille, la part de marché des bières issues d’investissements étrangers a atteint 30 %, contre 70 % pour les bières locales. Quatre marques locales et une étrangère se partagent la moitié du marché chinois des bières : les bières Snow 华润雪花, avec une part de marché de 21 %, les bières Tsingtao 青岛 (14 %), les bières Anheuser-Busch [Budweiser, Stella Artois] (environ 12 %), les bières Yanjing 燕京 (environ 11 %).
En interne, on explique que c’est la forte et constante croissance du marché chinois des bières qui motive cet afflux de capitaux étrangers sur le marché chinois des bières. Plus grand marché du monde, le plus marketé et compétitif de la Chine, il attire les grands noms mondiaux de la bière qui viennent y livrer bataille. Une autre raison réside dans les insuffisances de l’industrie chinoise de la bière qui sont autant d’opportunités offertes aux sociétés étrangères. Alors que les grands brasseurs poursuivaient leur expansion, les entreprises de taille moyenne investissaient d’énormes sommes dans la construction de marques et de réseaux de distribution. Les capitaux se sont raréfiés, un besoin urgent du soutien financier solide des investissements étrangers s’est fait sentir.
La réponse des bières locales
Face à ce torrent d’investissements étrangers, comment les bières locales doivent-elles réagir ? Selon Xiang Jianjun, chercheur et consultant en investissement dans l’agroalimentaire chinois, le niveau de concentration du marché des bières locales est assez élevé. Les parts de marché se partagent entre quelques géants de la bière qui se comptent sur les doigts d’une main, les cinq premiers producteurs de bière s’octroyant plus de 70 % du marché. Ces dernières années les producteurs de bière Made in China ont été en effet nombreux à adopter des stratégies de contre-attaque, au premier rang desquels les bières Snow et Tsingtao qui ont mis en place la « compétition de l’équipement », en pratiquant activement la croissance externe pour rivaliser avec les concurrents étrangers.
Ainsi, les bières Snow ont investi 35 millions de US$ pour acquérir 70 % du capital des bières Qianjiu ; les bières Yanjing ont acquis 38,15 % du capital des bières HQB en 2003, puis 38,4 % du capital des bières Liquan, et moyennant 70 millions de yuans ont racheté les bières Sendo, les bières Bihu etc.
« A l’avenir, sur le marché des bières en Chine, la part de marché des brasseurs étrangers peut augmenter d’un cran, mais il est peu probable que les bières Snow, Tsingtao, Yanjing etc soient achetées par des sociétés étrangères. Si l’offensive de ces dernières sur le marché chinois des bières devient féroce, il n’est pas exclu que les géants chinois de la bière combinent leurs forces », affirme Xiang Jianjun.
Le spécialiste en marketing Yang Yan souligne que si les marques chinoises de bière sont nombreuses, peu d’entre elles ont la notoriété suffisante pour pouvoir lutter contre les marques étrangères, la faible notoriété des marques étant le principal facteur jouant en défaveur du développement du secteur de la bière en Chine. Car si une petite marque de bière parvient à accroître sa notoriété, elle peut développer son marché et ses ventes. Les grandes marques peuvent même essayer de s’exporter et d’accroître ainsi leur surface de vente.
Le marché haut de gamme au coeur de la compétition
Cet afflux de bières étrangères pourrait bien, dans une certaine mesure, être positif pour les brasseurs nationaux. Ces dernières doivent en effet accélérer le processus de nationalisation de leurs marques, activement s’ouvrir vers l’extérieur et mettre en œuvre l’internationalisation de leurs marques. Mais selon le chercheur au sein du cabinet de fusion & acquisitions Hollyhigh, Wang Zhenming, quelques grandes marques se partageant déjà le marché chinois de la bière, la répartition est déjà pratiquement effectuée. A l’avenir, l’acquisition n’est pas le seul moyen de s’en sortir pour les géants de la bière. Le point crucial, ce n’est pas la signature de l’accord, mais plutôt la façon dont est gérée l’activité par la suite.
Il est généralement admis que le marché chinois de la bière devrait s’orienter vers le modèle 3+3, qui verra s’affronter d’un côté les bières nationales Snow, Tsingtao et Yanjing, et d’un autre côté les bières Carlsberg, Budweiser et SABMiller, représentantes des bières étrangères. Quant aux marques de seconde catégorie, à l’instar des bières Zhujiang, Kingway ou Jinxing, qui sont en situation de déficit ou de moins en moins bénéficiaires, il n’est pas exclu qu’elles se fassent racheter à l’avenir.
En fait, jusqu’à maintenant, les consommateurs chinois avaient du mal à accepter de payer une bouteille de bière des dizaines de yuans, car traditionnellement la bière est une boisson très commune, qui vaut moins de 10 yuans la bouteille. Des dizaines de yuans, c’est le prix du Baijiu. Mais certains experts estiment que d’ici quelques années, la fourchette de prix d’une bouteille de bière en Chine va s’étirer entre 2 et 50 yuans la bouteille. Les bières bas de gamme vont péricliter, et le marché va passer d’une forme pyramidale à celle d’une olive, avec un rétrécissement du bas du marché, un élargissement du milieu de gamme, le haut de gamme en pleine croissance et le très haut de gamme monopolisé par les marques étrangères.
Selon le spécialiste en marketing de bières Fang Gang, le combat du secteur dans son ensemble se situe aussi sur les efforts de montée en gamme, pour garantir à la fois la quantité et le profit. Les entreprises qui réussiront à répondre à la demande haut de gamme des consommateurs auront un positionnement clé dans la bataille à venir.