L’essor des cosmétiques pour homme touche particulièrement l’Asie. Mais pour les marques occidentales cherchant à se faire une place sur ce nouveau marché, la partie est loin d’être gagnée.
Début septembre, Chanel a lancé sa première ligne de maquillage pour homme en Corée du sud. Baptisée ‘Boy de Chanel’, la gamme de trois produits devrait être diffusée à partir de novembre dans les autres pays du monde, dont la Chine. Les objectifs des équipes marketing doivent être d’autant plus élevés que les ventes en Chine des cosmétiques Chanel ont augmenté l’an dernier à un rythme jamais vu depuis cinq ans, selon le cabinet Bain & Company.
« Quatre hommes sur 10 prêtent déjà attention aux produits de beauté », assure Zhang Minyi, directeur adjoint des publicités sur les réseaux sociaux du groupe Tencent, interviewé par le site d’informations 36kr. L’article affirme en introduction que « pour de plus en plus de consommateurs, les produits cosmétiques ne concernent pas uniquement l’apparence, mais sont un mode d’expression et la mise en avant d’un style de vie ».
Résistance étatique
L’étude réalisée par le groupe Tencent d’après les données recueillies sur ses plates-formes WeChat et QQ prédit qu’en 2019, le taux de croissance des produits de maquillage pour homme atteindra 13,5 %. Les fonds de teint et les parfums sont actuellement les produits préférés des hommes. « Les moins de 26 ans sont plus intéressés par les produits blanchissants et hydratants, tandis que les plus de 26 ans commencent à privilégier les anti-âge », précise Zhang Minyi.
Cette tendance de fond n’est pas sans provoquer des réactions conservatrices. Dans un éditorial intitulé « La vogue des efféminés doit cesser », l’agence étatique Xinhua fustige « certains films, programmes de télévision, plates-formes Internet et émissions de télé-réalité. » Ces derniers, en mettant en scène des hommes délicats et des vedettes androgynes, tenteraient de flatter les « goûts vulgaires du public ».
L’éditorial de Xinhua se termine en affirmant que tant que les hommes se comporteront de cette manière, la Chine ne sera jamais le pays fort et prospère qu’elle espère devenir. Il est intéressant de noter que loin d’abonder dans ce sens, le People’s Daily, un autre puissant organe étatique, a publié une réponse en dénonçant cette vision péjorative du phénomène. « La force d’un homme se mesure dans ses qualités intrinsèques – et non dans son apparence physique », peut-on lire en substance.
Préférences régionales
L’étude Tencent souligne que les jeunes nés après 1995, influencés par les stars d’Internet et les blogueurs beauté (tels que Li Jiaqi, en photo ci-dessus, crédit AFP) sont devenus une cible à ne pas négliger. « Contrairement à la génération née dans les années 70 et 80, ils ont été très tôt exposés aux cultures japonaise et coréenne. Ils ont ainsi eu accès à davantage d’informations sur les tendances et les marques », poursuit l’étude.
Les marques européennes n’auraient pas particulièrement les faveurs de cette jeune génération qui leur préféreraient des marques plus proches d’eux, culturellement et géographiquement. « Moins onéreuses, les marques japonaises et coréennes bénéficient également de l’aura des mangas et des séries TV coréennes », estime l’étude. Résistance étatique et préférences régionales : la bataille s’annonce très rude sur le marché des produits de beauté pour homme, même pour la machine de guerre Chanel.