Depuis 2012 et la politique anti-corruption du gouvernement chinois, les yachts de luxe sont considérés avec une certaine méfiance. Mais la navigation de plaisance est promue comme un mode de vie sain pour la classe moyenne chinoise, même si elle est encore loin d’être répandue.
Le 54e meeting annuel du Council of Marine Industry Associations (ICOMIA) aura lieu l’année prochaine à Zhuhai, dans la province du Guangdong. « C’est la première fois qu’un congrès de yachting a lieu en Chine. Cela signifie que le marché chinois de la navigation de plaisance est devenu significatif », a déclaré la China Cruise and Yacht Industry Association (CCYIA).
Selon les statistiques de l’ICOMIA, la Chine était le troisième pays producteur en 2017 avec 2 182 voiliers et yachts construits, après l’Angleterre et la France. En valeur, la Chine a atteint la deuxième place après la France.
Mais cela ressemble plutôt à une reprise, le secteur chinois du yachting revenant de loin. En 2012 et 2013, les groupes chinois SHIG-Weichai et Dalian Wanda Group ont respectivement acquis des participations majoritaires dans l’Italien Ferretti et l’Anglais Sunseeker, deux des marques de yacht les plus célèbres au monde. La Chine, semblait-il, était sur le point de rejoindre l’élite mondiale de la plaisance, surtout après la crise financière de 2008 qui avait considérablement réduit les marchés occidentaux.
Une aube nouvelle
Cependant, ces bonnes perspectives se sont effondrées après 2013. La campagne anti-corruption du président Xi Jinping, annoncée à la fin de 2012, pointait du doigt les symboles extravagants de richesse, au premier rang desquels les yachts de luxe.
Gordon Hui de Sunseeker Asia a déclaré au journal hongkongais South China Morning Post que Sunseeker était à la peine en Chine, en dépit de son nouveau pavillon chinois. Le président du groupe Ferretti, Alberto Galassi, a de son côté précisé dans une interview à Forbes que la Chine n’était plus un marché pour Ferretti.
Même le yacht King Baby du constructeur chinois IAG Yachts (acquis en 2015 par le conglomérat chinois Sunbird), long de 42,7 mètres, fabriqué en Chine et salué dans le monde entier, ne vise pas le marché chinois. Pesant 497 tonnes, King Baby, qui est le plus grand yacht à moteur en fibre de verre jamais produit en Chine, est maintenant disponible en location dans les Caraïbes.
Mais certains acteurs du secteur réussissent à naviguer à contre-courant. Heysea Yachts, fondé en 2007 et aujourd’hui l’un des plus grands constructeurs de yachts de Chine, a fait pour la première fois son entrée dans le Top 20 du Boat International Global Order Book en 2018 et maintient sa place dans le rapport de cette année.
Le président Allen Leng a expliqué à la revue professionnelle Boat International que Heysea Yachts suscitait un plus grand intérêt auprès des acheteurs chinois car la société avait su s’adapter aux goûts locaux. A bord de ses yachts, la cuisine est placée en contrebas, les espaces de vie et de divertissement sont agrandis au détriment du nombre de cabines. « Les clients chinois sont plus nombreux à comprendre la culture de la navigation de plaisance et son mode de vie ; ils savent désormais qu’être propriétaire d’un bateau, c’est bien plus que de disposer d’une plate-forme flottante pour promouvoir son activité professionnelle et améliorer son image », a poursuivi Allen Leng.
Obstacles nombreux
« De plus en plus de clients chinois admettent que les yachts fabriqués en Chine sont de qualité et offrent le même service après-vente que les marques étrangères », a-t-il ajouté. « Nous constatons également une demande pour les yachts de petite taille, ce qui montre le lien qui existe entre la voile, le sport et les loisirs, et que la navigation de plaisance n’est pas seulement une activité des riches. »
En effet, ces dernières années, le nombre de bateaux de pêche et de voiliers entre 8 et 15 mètres a considérablement augmenté et est devenu une part majeure du marché, selon la CCYIA. « Nous promouvons une économie de yachts à deux pôles, à savoir les bateaux de pêche et les voiliers de moins de 12 mètres », explique l’organisme gouvernemental. « La CCYIA se concentre sur la promotion de la navigation de yachts pour la classe moyenne et sur l’accroissement du nombre de quais de yachts publics. »
Jusqu’à présent, le développement d’une culture de la navigation en Chine a été entravé par de nombreux facteurs, notamment l’impossibilité de naviguer librement le long des côtes chinoises et le manque d’infrastructures en matière de quais. La pénurie d’équipages locaux formés à la maintenance et à la navigation est également un point crucial. « Le gouvernement chinois soutient le secteur », affirme la CCYIA. « Nous introduisons progressivement des mesures favorisant la construction de jetées, l’enregistrement simplifié, la réglementation souple et la facilité d’entrée et de sortie. L’île de Hainan et la province du Guangdong auront un rôle pilote. »
« Hainan, en tant que zone de navigation de plaisance la plus développée en Chine, peut saisir de nouvelles opportunités sans précédent et promouvoir le développement du tourisme dans des conditions favorables en bénéficiant d’un soutien politique stratégique au niveau national, en mettant notamment en place une zone pilote de libre-échange », a déclaré le vice-président exécutif et secrétaire général de la CCYIA, Zheng Weihang (郑炜航), lors du Hainan Yacht Industry Development Summit Forum qui s’est tenu à Sanya, la ville la plus au sud de l’île de Hainan, en décembre dernier.
Soutien de l’outre-mer
Des journaux professionnels ont également annoncé qu’une nouvelle initiative – un programme de développement baptisé ‘Greater Bay Area’ – visait à lier neuf villes côtières continentales afin de permettre aux yachts enregistrés à Hong Kong et Macao de naviguer dans les zones de navigation autour de Hainan sans payer de taxe. Concernant les infrastructures, la CCYIA a indiqué que 35 projets majeurs sont en construction dans la zone de développement de Canton.
Pour les futurs acheteurs de yachts, le gouvernement chinois vient également de mettre en œuvre des mesures de réduction de taxes, notamment pour les taxes à l’importation. Auparavant fixé à plus de 41%, le taux a baissé à 37% après une réduction de 3 points de la TVA (à 13%) et un allègement plus léger des droits de douane et de la taxe à la consommation. Quant aux taxes sur les yachts domestiques, elles ont bénéficié d’une réduction de 3 points, à environ 24%, « selon la quantité d’équipement importé à bord », a rapporté un journal professionnel local, précisant que « les yachts de moins de 8 mètres de long, importés ou construits en Chine, peuvent être exemptés de la taxe à la consommation. »
L’année dernière, les formations des équipages ont reçu un coup de pouce venu d’outre-mer. En mars 2018, le vice-ambassadeur du Royaume-Uni en Chine, Martyn Roper, et le président de la Chinese Yachting Association, Qu Chun, ont signé des accords en vue de l’ouverture de trois centres de formation. L’objectif est de mettre les marins chinois au niveau de la Royal Yachting Association (RYA). Bien qu’il reste encore du chemin à faire, un membre du Comité de formation de la RYA a expliqué que la prochaine étape pour la RYA consisterait à mettre en place des programmes de formation d’instructeurs en mandarin, avant même de chercher à augmenter le nombre de centres de formation dans le pays.
Dans le journal étatique chinois China Daily, William Ward, président de la course de voiliers Clipper Round The World, a déclaré : « La Clipper Race travaille en étroite collaboration avec la RYA. Au Royaume-Uni, 7% de la population navigue et si la Clipper Race pouvait aider à répliquer cela en Chine, cela représenterait 80 millions de personnes sur l’eau. »
Cet article a été commandé et publié par JEC Group dans le JEC Composites Magazine n°130.