Made in China : moins de préjugés parmi les jeunes ?

A la différence de leurs aînés, les adolescents et jeunes adultes nés autour des années 2000 n’ont pas eu que les Etats-Unis comme modèle d’influence imposé. La Chine, avec son boom économique et ses marques émergentes, peut aussi les séduire.

‘L’Asie rêvée des jeunes : pourquoi la Chine fascine les ados’. Le titre de cet article du Monde annonce la couleur. « A contrario de leurs parents, biberonnés à la culture US, de plus en plus d’adolescents optent pour le mandarin au lycée et se gavent de bubble tea en écoutant de la C-pop », affirme Maroussia Dubreuil. La journaliste est allée enquêter dans le 13e arrondissement de Paris, le plus grand quartier asiatique de la capitale, particulièrement sur « le toit du P13 », au-dessus de la galerie marchande Oslo « aux vitrines saturées de bouddhas et de chats dorés. »

Ce lieu « n’est autre que le centre de gravité des fans d’Asie de moins de 20 ans », où se retrouvent entre autres depuis plusieurs années deux Parisiennes de 18 ans « qui vouent un amour vrai et profond à la Chine, dont elles apprennent la langue depuis le secondaire. » La journaliste y a entendu des discussions animées au sujet des séries asiatiques diffusées sur le site Viki (filiale du géant japonais Rakuten). Elle y a vu parader des ados fières de leur monolid makeup (maquillage pour un effet bridé). 

Elle a aussi été témoin de déclarations enflammées pour Jin, V, Jimin et Jungkook, membres du boys band sud-coréen BTS. Les tubes coréens sont souvent réenregistrés en mandarin avec des artistes chinois par des maisons de disques coréennes espérant conquérir le marché chinois. D’où un basculement de l’intérêt des fans de la Corée vers la Chine.

Œil neuf sur les marques chinoises

Autre lieu d’élection des fans d’Asie : la rue Sainte-Anne, près de l’Opéra. Plutôt connue pour ses restaurants japonais, elle attire aussi pour The Alley (photo ci-dessus, ©Instagram @Thealley.paris), une enseigne taiwanaise de bubble tea, présente en Chine et en Asie, mais aussi à Toronto, Los Angeles, Melbourne, Sydney et en Nouvelle Zélande. Le bubble tea, mélange de thé froid ou chaud et de lait, parfumé et agrémenté de perles de ­tapioca, est très prisé par ces jeunes passionnés, qui sont aussi amateurs de bubble waffle (gaufre à bulles hongkongaise, agrémentée de glace, de fruits ou de morceaux de cookie) et de baozi (petit pain farci et cuit à la vapeur), selon la journaliste.

Un engouement dont entend profiter une autre chaîne taiwanaise de bubble tea, Chatime, également implantée sur les quatre continents. En région parisienne et bientôt à Nice, elle présente ses menus en français et en chinois. « C’est un gage d’authenticité pour les jeunes qui apprennent notre langue », a expliqué Lili Zhang, adjointe du responsable de la marque en France, citée dans un autre article du Monde sur le même thème intitulé « les nouvelles ‘idols’ chinoises. »

Signé de la même journaliste, l’article parle du succès en France du réseau social Tik Tok, où les ados peuvent partager des vidéos musicales aux effets spéciaux sophistiqués. Et des stars montantes de la pop chinoise, dont Mao Yanqi (Vava pour les connaisseurs), qui connaît une renommée internationale depuis que My New Swag (我的新衣, vidéo ci-dessus) a figuré dans la bande originale de Crazy Rich Asians (2018), blockbuster américain de John Chu. Maroussia Dubreuil insiste aussi sur les marques de high-tech Huawei et Xiaomi, qui ont selon elle « une relation privilégiée avec les ados », lesquels les perçoivent comme plus innovantes et abordables qu’Apple.

Conscientes de leur pouvoir d’attraction, les marques chinoises parlent « jeune » : « Xiaomi, concurrent de Huawei, va ouvrir en France sa quatrième boutique pour ses « mi fans », invités chaque année à profiter des ventes flashs et promotions au Mi Fan Festival », poursuit la journaliste du Monde.

Absence d’illusions

L’imaginaire US serait-il en train de perdre son pouvoir de fascination ? C’est une évidence pour une adolescente citée dans l’article, selon laquelle le modèle américain n’est en rien supérieur au modèle chinois. « En Chine, il y a la censure, c’est vrai. Mais ils ne nous vendent pas du rêve. Avec eux, on sait à quoi s’attendre. On se sent moins manipulés. »

Cette analyse désabusée qui laisse peu de place à l’idéalisme se retrouve dans l’étude de Kantar publié en début d’année sur ‘l’image de la Chine auprès des Français’. Selon l’entreprise d’études et de conseil, près d’un Français sur deux estime que la Chine est en avance sur la France dans le domaine technologique et numérique contre seulement 19% d’un avis contraire – et cet avis est encore davantage partagé par les plus jeunes

Par ailleurs, 31% des Français pensent que la Chine constitue plutôt une opportunité pour la France sur le plan diplomatique contre 17% une menace. « A noter que sur ces dimensions diplomatiques et politiques (et contrairement à ce que l’on observe en matière économique), les jeunes se montrent plus méfiants ou critiques que leurs ainés », souligne Kantar. Cette génération serait donc prête à se laisser séduire par des marques et certains éléments de la culture, mais pas par ‘le rêve chinois’.