La concurrence chinoise s’intensifie en Europe. Elle semble avoir été l’un des facteurs qui ont conduit Alstom à signer un accord avec le canadien Bombardier en vue d’acquérir son unité ferroviaire dans le cadre d’une transaction de près de 7,5 milliards d’euros.
Le gouvernement britannique est en pourparlers avec la société China Railway Construction Corporation (CRCC, 中国 铁 建) pour remettre son projet HS2 sur les rails, a rapporté le journal britannique Financial Times. HS2, la ligne ferroviaire à grande vitesse qui ira de Londres aux Midlands et au nord de l’Angleterre, a reçu ce mois-ci le feu vert pour la première phase de construction. Prévu de longue date, le projet connaît des retards et des dépassements de budget.
Le CRCC a écrit à Mark Thurston, chief executive du HS2, pour lui proposer ses services. « Vous constaterez que la méthode chinoise consiste à rechercher des solutions, et non à s’attarder sur les obstacles et les difficultés », indique la lettre du 28 janvier, vue par le Financial Times. Selon d’autres médias britanniques, le coût estimé du projet HS2 est de 100 milliards de livres sterling et il devrait être entièrement livré en 2040. Mais le CRCC affirme qu’il pourrait achever le projet d’ici 2025.
Plus rapide, moins cher et plus efficace
Le coût du développement du propre réseau ferroviaire de la Chine correspond environ aux deux tiers du coût de ceux des autres pays – même si, comme pour le HS2, de nombreuses lignes chinoises sont constituées pour une large part de leur itinéraire de viaducs ou de tunnels, selon un rapport de la Banque mondiale sur le train à grande vitesse en Chine publié en juin 2019.
Richard Bullock, l’un des auteurs du rapport, observe que les Chinois « livrent à l’échelle industrielle et sont incroyablement efficaces. » « Leur secret, c’est qu’ils ne changent jamais de chef de projet – c’est une lourde responsabilité et s’ils ne respectent pas les délais, c’est une décision qui menace leur carrière. Ils ont un solide esprit d’équipe et ils s’engagent à fond. »
Au cours de la dernière décennie, la Chine a construit 25 000 km de voies ferrées à grande vitesse. Le CRRC (中国 中 车), le plus grand constructeur de trains au monde, a déjà une large empreinte mondiale, avec des projets dans plus de 100 pays, selon Viviana Zhu, chargée de mission – programme Asie au sein du think tank indépendant Institut Montaigne. Ces dernières années ont vu la croissance rapide des activités internationales du CRRC. Ceci est conforme à sa devise « aller à l’étranger » (走出去) et profiter de la Belt and Road Initiative pour remporter des contrats d’infrastructure dans le monde entier. La plupart de ces contrats concernent des locomotives diesel, des autocars et des wagons, mais le CRRC remporte également des contrats pour des locomotives électriques et des systèmes de transport urbain. Récemment, les signatures du CRRC à l’étranger comprennent notamment une commande de Transport for London d’un montant de 10 millions de US$ pour des pièces de métro (2016), un accord de 178 millions de US$ avec la Los Angeles County Metropolitan Transportation Authority (2017) ou un contrat de 278 millions de US$ avec le ministère argentin des transports (2018).
Revers importants à l’étranger
Mais Viviana Zhu fait valoir que la stratégie internationale du CRRC et d’autres sociétés chinoises de matériel ferroviaire est confrontée à des difficultés et a déjà rencontré des revers importants.
« Cela concerne particulièrement le joyau de la couronne pour les marchés d’exportation, à savoir le train à grande vitesse, dans lequel un certain nombre d’entreprises chinoises sont actives : CRRC, CREC, CRCC, CMC, etc… », dit-elle. Elle mentionne un rapport conjoint du Financial Times et du CSIS (Center for Strategic and International Studies) en 2017, révélant que parmi les 18 projets ferroviaires à grande vitesse investis ou financés par la Chine, un seul a été achevé et 17 en étaient à différents stades de planification et de construction. De l’attribution du projet jusqu’à l’ouverture de la ligne, la ligne Ankara-Istanbul a mis plus de 8 ans à être achevée, alors qu’un tel projet n’aurait pris que trois à quatre ans en Chine.
« Hors de Chine, les entreprises chinoises ont rencontré de plus grandes difficultés sur les projets et cela pourrait être le cas en Grande-Bretagne, où les lois sur la planification, l’environnement et le travail sont strictes », ont déclaré des experts au Financial Times (crédit montage ci-dessus). Ils rappellent que tout entrepreneur chinois ne peut passer outre les procédures habituelles d’attribution de projet et qu’il n’a aucune garantie de gagner.
Cet article a été publié en chinois sur le compte WeChat du groupe JEC.